Recensions

La méthode comparative en science politique, de Daniel-Louis Seiler, Paris, Armand Colin, 2004, 266 p.[Record]

  • Jean-François Lessard

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  • Jean-François Lessard
    Centre de recherches politiques Raymond-Aron
    École des hautes études en sciences sociales

Comme l’indique son éditeur, Daniel-Louis Seiler a poursuivi une carrière atypique. Grand voyageur, il a été professeur en Irlande (National University et University College de Dublin), au Québec (Université du Québec à Montréal), en Suisse (Université de Genève et Université de Lausanne), en Pologne (École internationale de science politique de Katowice) et en France (Institut d’études politiques de Bordeaux). Il est maintenant professeur des universités à l’IEP d’Aix-en-Provence. Il a également été professeur invité dans de nombreuses universités (Laval, Montréal, Complutense à Madrid, Barcelone, University of California at Los Angeles (UCLA) en Californie, Boulder au Colorado, Université Libre de Bruxelles, Louvain et Neuchâtel). Il est l’un des membres fondateurs de la Revue internationale de politique comparée, seule revue comparative dans le monde francophone. Son livre, La politique comparée, paru en 1982, est rapidement devenu une référence incontournable pour qui voulait faire de la comparaison en science sociale. Sa nouvelle mouture risque de ne pas recevoir le même écho. L’ouvrage ressemble plus à un manuel scolaire (il est d’ailleurs publié dans la collection U) qu’à un ouvrage de réflexion épistémologique sur la méthode comparative. Le livre est dense, peut-être trop. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur cite de très nombreux auteurs sans présenter leur approche ni leur thèse. La démarche ressemble plus à un exercice de culture générale qu’à un approfondissement de la pensée de spécialistes sur la question. L’ouvrage est divisé en deux parties : l’une traite de la théorie, l’autre de la méthode. Dans la première partie, la plus intéressante, D.-L. Seiler présente l’histoire de la tradition comparative. Il rappelle les classifications des régimes politiques effectuées tour à tour par Platon, Hérodote et Aristote. Il poursuit son portrait historique avec la classification des formes de gouvernement chez Montesquieu, pour en arriver au comparatisme constitutionnel qui fut pendant longtemps le seul domaine véritablement axé sur la comparaison dans les sciences sociales. C’est seulement dans la deuxième partie du xxe siècle que la méthode comparative déborda du domaine du droit constitutionnel et commença à se répandre en sociologie, en science politique, en histoire et en anthropologie. Un peu trop optimiste dans la défense de son domaine de spécialisation, l’auteur annonce qu’« il n’y a pas de science sociale convenable si le chercheur n’adopte pas a priori une attitude comparatiste » (p. 30). Cette conception marque l’ensemble de l’ouvrage, ce qui est dommage et rend toute discussion épistémologique avec les autres méthodes impossible. À l’image des marxistes qui refusaient toute analyse en dehors du cadre du matérialisme historique, la conception défendue par l’auteur est assez hermétique. Il aurait été intéressant qu’il inclue un chapitre sur le rapport qu’entretient ou que pourrait entretenir la méthode comparative avec, par exemple, le constructivisme ou l’analyse du discours. Il y a toute une réflexion encore à faire sur la complémentarité des méthodes. Soulignons l’un des aspects intéressants du livre de D.-L. Seiler : il a eu la très bonne idée de comparer la signification que revêtent certains mots politiques essentiels (république, nation, laïcité et distinction gauche/droite) d’une société à une autre. Ces exemples ont pour avantage d’illustrer la difficile tâche qui attend le comparatiste. Malgré cet élément intéressant, sa conception de la méthode comparative demeure assez classique. Il a raison de souligner qu’aux États-Unis la conception dominante du comparatisme est surprenante. Un universitaire qui étudie son pays sera considéré comme un américaniste relevant des American Studies, tandis qu’un collègue qui étudie la Belgique ou le Canada sera considéré comme un comparatiste relevant du domaine des Comparative Politics. En effet, le simple fait de se spécialiser sur un pays étranger, sans nécessairement …