Présentation du numéro

La réforme du droit et les transformations de la notion de la sécurité en Chine[Record]

  • André Laliberté

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Les articles consacrés à la Chine dans ce numéro se penchent sur les aléas de la réforme juridique, d’une part, et sur les conceptions changeantes de la sécurité dans deux domaines particulièrement sensibles, soit celui de l’approvisionnement en énergie et celui du contrôle des épidémies, d’autre part. Dans leur diversité, ces articles témoignent d’évolutions importantes au sein de la sinologie d’expression française, sinon de la sinologie occidentale dans son ensemble. Ces contributions reflètent une diversification des approches sur le plan théorique et des intérêts sur le plan empirique. Elles témoignent par ailleurs du souci désormais incontournable et obligatoire d’éviter les généralisations abusives à propos d’une société complexe dont la rapidité des évolutions ne cesse de confondre les prédictions. Les textes de Jean-Pierre Cabestan, Christian Constantin et Hélène Piquet ont été présentés une première fois lors d’un colloque international sous l’égide de l’Institut d’études internationales de Montréal en septembre 2004. Le colloque était consacré aux défis de la gouvernance en Chine et à ses conséquences internationales. Quant au texte de Vincent Rollet, il a été sélectionné parmi plusieurs autres, qui abordaient une grande variété de thèmes ; celui-ci nous a paru particulièrement éclairant. Depuis que les témoignages des victimes et les recherches des Chinois eux-mêmes ont permis de révéler les vérités sur les tragédies du « Grand Bond en avant » et de la Révolution culturelle, la Chine a cessé de représenter une forme d’altérité vertueuse pouvant inspirer une alternative radicale à la gauche modérée, comme c’était le cas dans les sociétés en développement, sinon en Occident, dans les années 1960 et 1970. À cette fascination pour l’utopie a succédé une autre tendance non moins pernicieuse quant à ses effets et à ses conséquences : celle de l’apologie d’un régime productiviste dont on doit accepter les dérives autoritaires afin de s’en gagner les bonnes grâces et d’obtenir, en retour, le privilège d’investir dans le proverbial marché qu’il encadre. Pendant près de deux décennies, ce nouveau mirage a suscité nombre d’espoirs irréalistes d’enrichissement facile qui ont été cruellement déçus. Autant les tenants d’une gauche doctrinaire fermaient les yeux sur les réalités politiques les moins reluisantes, autant ceux qui applaudissent les orientations néolibérales du régime depuis 1978 ont eu tendance à minimiser, voire à gommer les entraves aux droits de la personne et l’arbitraire imposé par le régime. Si le massacre de la place Tiananmen du 4 juin 1989 a un moment frappé les imaginations à l’extérieur de la Chine, la « tournée vers le Sud » de Deng Xiaoping, en 1992, en relançant la réforme économique et en ouvrant à nouveau les portes aux investisseurs étrangers, a donné le ton à un processus d’occultation de cette tragédie qui continue à ce jour. Or, malgré les nombreux pans de la réalité chinoise qui demeurent inaccessibles ou interdits d’accès aux étrangers, malgré les intérêts, les préoccupations et les barrières cognitives qui peuvent entraver une connaissance approfondie, la Chine est aujourd’hui moins susceptible de prêter le flanc aux erreurs de jugement du passé. La cumulation des enquêtes, des entrevues, des recherches et des études de terrain accomplies en Chine même par les chercheurs chinois, de plus en plus souvent en concertation avec leurs collègues nord-américains, européens, sans oublier est-asiatiques, a engendré une masse critique de compétences, d’expertises et de connaissances qui rendrait impensable le genre de généralisation que permettait l’accès limité à ce pays il y a encore vingt ans. La diversité des problématiques étudiées et des perspectives utilisées pour produire des explications ou mener à une compréhension accrue est aussi beaucoup plus grande. Il serait vain de tenter de faire dans l’espace imparti à …

Appendices