Recensions

Insurgence Online : Web Activism and Global Conflict de Michael Y. Dartnell, Toronto, University of Toronto Press, 2006, 165 p.[Record]

  • Benoît Gagnon

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  • Benoît Gagnon
    Université de Montréal et Université du Québec à Montréal

Malgré le fait que les technologies de l’information ont radicalement transformé le système international contemporain, le rôle qu’occupent ces technologies demeure encore sous-étudié dans le champ des relations internationales (RI). Bien souvent, les textes abordent la nouvelle dynamique imposée par l’Internet et la révolution des communications en la subordonnant à d’autres thèmes. Ainsi, voir un ouvrage comme Insurgence Online : Web Activism and Global Conflict aborder directement la problématique des technologies de l’information dans les RI est plutôt rare. Michael Y. Dartnell s’y propose d’étudier la façon dont les technologies de l’information — principalement l’Internet — ont changé la relation de pouvoir entre des groupes considérés comme dissidents et les États. Dans un effort de synthèse honorable — environ 110 pages —, l’auteur démontre comment des organisations non gouvernementales ont réussi à capitaliser et à exploiter le potentiel des technologies de l’information pour mener à bien leurs activités. Il s’agit de comprendre comment les nouvelles méthodes de communication permettent la montée d’un activisme incorporant à la fois culture et technologies. En ce sens, l’auteur soutient que les technologies de l’information ont déterritorialisé les activités humaines, rendant ardue l’application des contrôles sociaux imposés par les États. Le sujet traité par M.Y. Dartnell n’est pas nouveau. En effet, la cyberdissidence et l’hacktivisme (l’exploitation de l’Internet, dont les attaques informatiques, pour coordonner et perpétrer de l’activisme politique) avaient déjà été traités en 2001 par John Arquilla et David Ronfeldt dans un livre intitulé Networks and Netwars : The Future of Terror, Crime, and Militancy (Santa Monica, RAND Corporation). L’ouvrage de M.Y. Dartnell se concentre sur un des thèmes abordés dans ce livre : la manière dont les mouvements sociaux de résistance profitent des possibilités offertes par les technologies de l’information afin d’améliorer leurs capacités organisatrices. L’auteur débute de façon plutôt originale, soit en liant les théories des relations internationales et les théories des communications avec le sujet des cyberdissidents. Nous comprenons rapidement qu’il se positionne dans une posture « post-réaliste » : le Web étant ce qu’il est, il est difficile de l’analyser en plaçant l’État comme unité centrale d’analyse. Toutefois, l’analyse théorique tombe malheureusement rapidement à plat. Si l’auteur fait un lien avec ces théories, il ne pousse pas son raisonnement assez loin pour établir un cadre théorique analytique cohérent qui pourrait agrémenter un programme de recherche à venir. Son apport théorique demeure ainsi très superficiel. À titre d’exemple, il mentionne que les théories actuelles — principalement les théories de relations internationales — sont plutôt limitées pour comprendre les effets des technologies de l’information dans les sociétés contemporaines, mais son argumentation n’est pas assez approfondie pour convaincre le lecteur. En fait, ce n’est pas tant dans le contenu que l’ouvrage tient son originalité — surtout si l’on considère qu’une bonne partie des idées exposées dans ce livre avaient été présentées comme chapitre du livre Bombs and Bandwith édité en 2003 par Robert Latham (New York, New Press) —, mais plutôt dans sa démarche. Utilisant une méthodologie assez rare pour discuter des technologies de l’information et des RI, M.Y. Dartnell présente une étude empirique et comparative de la façon dont trois mouvements de dissidence exploitent les technologies de l’information (p. 5) : le Mouvement socialiste républicain irlandais (MSRI), l’Association révolutionnaire des femmes d’Afghanistan (ARFA) et le Movimiento Revolucionario Tupac Amaru (MRTA). Dans le premier cas, l’auteur présente la façon dont le MSRI a exploité ses activités sur la toile à des fins de recrutement et de propagande. L’analyse, très quantitativiste et empirique en substance, offre un panorama intéressant de l’idéologie du MSRI et de la manière dont s’articulent ses activités dans le cyberespace. …