Recensions

La planète altermondialiste Sous la dir. de Chiara Bonfiglioli et Sébastien Budgen, Paris, Éditions Textuel, 2006, 253 p.[Record]

  • Ian Parenteau

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  • Ian Parenteau
    Université du Québec à Montréal

L’hétérogénéité du mouvement altermondialiste est bien manifeste, tant sur le plan de son contenu théorique que dans le parcours de ses militants et les trajectoires des mouvements sociaux qui y sont associés. Une analyse même sommaire de la production discursive altermondialiste révèle un fort éclatement. La seule apparente harmonie dans ses voix multiples est celle qui appelle à la fin de la mondialisation libérale (la globalisation comme projet économico-politique) et cet ouvrage vient confirmer ce sentiment. En exposant comment le thème de la mondialisation permet de faire converger plusieurs courants de pensée, qui pourtant, dans certains cas, sont aux antipodes les uns des autres, ce livre propose un « état des lieux des débats » altermondialistes. Mais ce recueil ne réussit pas à exposer les débats, comme le prétendent Chiara Bonfiglioli et Sébastien Budgen qui ont réuni les textes. Il permet simplement de superposer des pensées qui sont sans liens voulus et visibles entre elles. Le néo-keynésianisme côtoie l’indigénisme ; le libertarisme, le consumérisme éthique ; le politico-ésotérisme, le néo-tiersmondisme. Tous les courants de pensée minimalement de gauche semblent présents. L’ouvrage réunit 18 textes de militants et de chercheurs intéressés par l’altermondialisme, qui présentent un sommaire et une critique (d’une quinzaine de pages) de la pensée des principaux penseurs du mouvement (Samir Amin, Walden Bello, Leonardo Boff et Frei Betto, Pierre Bourdieu, Bernard Cassen, Hugo Chavez, Noam Chomsky, Susan George, John Holloway, Naomi Klein, Sous-Cdt Marcos, Antonio Negri, Arundhati Roy, Boeventura de Sousa Santos, Vendana Shiva, Joseph Stiglitz, Aminata Dramane Traoré et Immanuel Wallerstein). Le choix des auteurs est représentatif des idées maîtresses qui composent l’altermondialisme. Celui des commentateurs est inégal, mais l’ensemble est réussi. Cet ouvrage ne propose pas de répondre à la critique la plus efficace des détracteurs du mouvement altermondialiste : quelles sont les grandes lignes du consensus de Porto Alegre et comment celui-ci pourrait-il quitter le terrain discursif et devenir le support à un programme politique ? Plusieurs de ceux intéressés par la réponse à cette critique seront tout de même déçus du fait qu’elle reste encore en débit. Bien qu’il existe une bonne dizaine d’ouvrages en français qui ont fait leur le thème de l’altermondialisme, plusieurs militants altermondialistes doutent de l’utilité de la démarche du bilan, qui domine ces ouvrages, dans le combat qu’ils mènent contre les globalistes (les vecteurs de la globalisation). Il est laborieux de faire la synthèse de textes qui sont eux-mêmes des résumés de la pensée d’auteurs dont, c’est le cas pour certains, la complexité n’a d’égal que la profusion des thématiques abordées. La pensée d’I. Wallerstein, de N. Chomsky et de P. Bourdieu a déjà fait l’objet d’ouvrages entiers et il ne convient donc pas de la résumer en quelques paragraphes. C’est pourquoi un regard sur certains thèmes porteurs, sur celui du déclassement des programmes de gauche, voire du marxisme dans son ensemble, des institutions politiques traditionnelles et du capitalisme, permet de faire ressortir deux principaux axes de polarisation au sein de la pensée altermondialiste. Le premier axe de polarisation a pour vaste thème celui de l’alternative à proposer et le chemin à emprunter pour donner corps à un autre monde. Pour les tenants de la première tendance, il faut rompre avec le capital en procédant à une déconnexion avec le monde actuel. La stratégie de la rupture est prônée principalement par les théoriciens du Sud qui voient une domination tous azimuts de l’Occident sur le Sud, même dans ses idées les plus progressistes. La seconde tendance propose plutôt la confrontation avec le capital et le pouvoir politique comme moyen d’action. Cette confrontation serait soit radicale – n’exclurait pas l’usage …