Recensions

Images du monde et société globale (Grandes interprétations et débats actuels), de Vittorio Cotesta, Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, 222 p.[Record]

  • Martin Geoffroy

…more information

  • Martin Geoffroy
    Université de Moncton

La théorisation du concept de mondialisation fait l’objet de nombreux débats depuis un peu plus d’une dizaine d’années et la confrontation se fait principalement entre deux paradigmes : le contemporain et l’historique. Le paradigme contemporain, défendu par des auteurs comme Martin Albrow ou Roland Robertson, soutient que la mondialisation est un phénomène relativement récent qui aurait débuté quelque part au xxe siècle. Pour les tenants du paradigme historique, dont fait partie le sociologue italien Vittorio Cotesta, la mondialisation n’est pas un phénomène récent, mais plutôt le résultat de processus historiques de longue durée. Vittorio Cotesta s’emploie principalement à reconstruire « le contexte historique et culturel de la naissance des diverses conceptions de l’image du monde global ». Sa démonstration s’appuie sur une sélection critique d’auteurs qui auraient touché, de près ou de loin, à l’idée d’un monde global depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Dans une trop brève analyse contemporaine de la mondialisation, l’auteur définit cette dernière comme « un ensemble de jonctions, d’interconnexions et d’interpénétrations de sociétés, d’États et de cultures » (p. 9). Selon lui, le processus de la mondialisation se caractérise par la généralisation du mouvement des personnes et par l’avènement d’un marché mondial ; mais l’auteur passe très rapidement sur ces deux points pour s’attarder sur les relations de pouvoir à l’échelle mondiale. Dans cette perspective analytique, il relève l’existence de trois types de conflits : les conflits politiques locaux, les conflits politiques régionaux ou de « zone » et les conflits politiques mondiaux. Selon lui, les « guerres de religion » sont un type de conflit global contraire à la mondialisation, parce qu’elles remettent en question le principal facteur unificateur du monde moderne : celui du paradigme scientifique en tant que logique cognitive commune des sociétés modernes. Ici, la faiblesse de l’argumentation de l’auteur vient probablement de ce qu’il semble adhérer spontanément à la théorie de la sécularisation, théorie qui est fortement remise en question actuellement chez les spécialistes du fait religieux. En dissociant religion et modernité, Cotesta fait une erreur courante chez les non-spécialistes, celle d’associer la religion à l’ancien régime et la modernité à la science. Et c’est aussi pour cela qu’il n’accorde pas trop d’importance à cet aspect. C’est donc à une histoire de la notion de « monde global » que nous sommes conviés par l’analyse d’une sélection d’auteurs de diverses époques de l’histoire de l’humanité. Cette conscience de la globalité remonterait à l’Antiquité (800 – 200 av. J.C.) et on la retrouverait chez des philosophes grecs tels qu’Hérodote et Ptolémée. Ensuite, Cotesta fait un long exposé sur la pensée d’Ibn Khaldun qui montre que « la religion est […] l’inspiratrice et le guide du projet universaliste de l’Islam » (p. 74). À ce propos, la réflexion de Cotesta sur l’islam est fort intéressante quand il note l’ambivalence de l’exposé de Khaldun : la religion est à la fois un facteur de civilisation important et un moyen de soumettre les masses. Il reste que cette partie du livre n’est pas très convaincante. Même les plus grandes civilisations de l’époque n’avaient pas encore de conscience géographique et physique du monde, elles imaginaient la plupart du temps que la terre était plate ! La mobilité réduite de ces civilisations faisait en sorte qu’il leur était difficile d’avoir une conscience globale. D’ailleurs, l’auteur ne parle toujours que d’une « idée du monde global ». Il remonte un peu trop loin pour trouver l’origine historique du processus de mondialisation. De plus, il saute de l’Antiquité à la Révolution industrielle dans son exposé historique sur l’idée du monde global ; cette coupure historique en dit long …