Synthèse critique

Tableau d’ensemble de l’altermondialismeClés de lecture de l’altermondialisme de François Polet, Bruxelles, Couleur livres, 2008, 84 p.Dictionnaire analytique de l’altermondialisme d’Eddy Fougier, Paris, Ellipses, 2006, 287 p.L’Altermondialisme de Francis Dupuis-Déri, Montréal, Boréal, coll. « Boréal Express », 2009, 127 p.Généalogie des mouvements altermondialistes en Europe. Une perspective comparée, sous la dir. d’Isabelle Sommier, Olivier Fillieule et Éric Agrikoliansky, Paris, Karthala, coll. « Science politique comparative », 2008, 293 p.[Record]

  • Ian Parenteau

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L’altermondialisme émerge rapidement vers la fin des années 1990 en réaction aux bouleversements économiques et politiques de l’époque. Adversaire de la « mondialisation économique » – concept fourre-tout hérité de la littérature économique désignant à la fois la politique économique dominante et une nouvelle période historique qui s’ouvrirait alors – ; il propose un programme politique visant à rendre plus juste et humain le développement de la planète. L’altermondialisme cherche à réorienter la « mondialisation » dans une autre direction. Regroupés au sein d’organismes tels qu’Attac et réunis au Forum social mondial (FSM) qui a lieu annuellement depuis 2001, les militants réfléchissent à des solutions de rechange à la privatisation, à la déréglementation et à la libéralisation. Après plus de dix ans d’existence, l’altermondialisme semble aujourd’hui rendu à la croisée des chemins. La question de son essoufflement, qui apparaissait prématurée pour certains lorsque posée une première fois en 2008, est aujourd’hui plus actuelle. À preuve, le Forum social européen de Florence (Italie) de 2002 avait accueilli 60 000 participants ; ils ne sont plus que 13 000 à Malmö (Suède) en 2008. Les effectifs d’Attac France, organisation noyaux de l’altermondialisme, fondent aussi. L’essoufflement de l’altermondialisme coïncide avec le repli récent de la mondialisation économique. La crise des hypothèques à risque aux États-Unis durant l’été 2007 et ses répercussions importantes sur les marchés mondiaux a mis un terme au triomphe de l’idéologie néolibérale qui s’était imposée partout en Occident depuis les années 1980. Logiquement, la fin du néolibéralisme conduit dans sa chute l’altermondialisme, puisque sa critique de la mondialisation économique échappe désormais de plus en plus à la réalité. Voilà une hypothèse plausible. Or, la littérature scientifique sur l’altermondialisme ne permet pas d’entériner celle-ci. En effet, bien qu’il existe une centaine d’articles et d’ouvrages de sciences sociales sur l’altermondialisme, ceux-ci expliquent difficilement les facteurs d’émergence de cette action collective inédite autour de 1998 et son déclin par la suite, à partir de 2007. Ces travaux s’intéressent en revanche à certains aspects sociohistoriques de l’altermondialisme. Ils tracent par exemple le récit de l’altermondialisme et l’ancrent dans l’histoire des mobilisations passées. Ils brossent le profil des militants et montrent que le recrutement transcende les catégories sociales. Ils insistent enfin sur l’originalité de son discours comme mobile d’engagement de nouveaux militants. Cette contribution à la connaissance de l’altermondialisme est certes utile, elle s’avère toutefois insuffisante. Le problème principal de ces travaux réside dans le fait qu’ils conservent dans l’ombre une facette pourtant centrale à l’altermondialisme : son idéologie. Peu de recherches analysent les idées de l’altermondialisme, cherchent à comprendre le contexte idéologique dans lequel celui-ci émerge et proposent de restituer la cohérence de la conception du monde que partagent les altermondialistes et le programme qu’ils défendent. Les chercheurs de l’altermondialisme éprouvent ainsi, en général, une certaine difficulté à bien saisir sa portée et son ancrage « idéologique ». Pourtant, pour mieux toucher du doigt ce qu’est l’altermondialisme et retracer son cheminement, il faut expliquer pourquoi la conception du monde altermondialiste repose tout entière sur la seule perspective de la mondialisation. Il faut aussi expliquer pourquoi l’altermondialisme propose, au même titre que le néolibéralisme qu’il dénonce, une fuite vers l’échelle globale comme si celle-ci était à la fois historiquement inévitable et moralement souhaitable. C’est en effet précisément sous l’angle idéologique que l’on peut comprendre d’un même coup la fulgurante ascension de l’altermondialisme, puisqu’il s’inscrit dans la lame de fond idéologique qui sera favorable au libéralisme plus largement, mais aussi son essoufflement actuel, qu’alimentent les écueils récents des politiques économiques néolibérales et la perspective mondialiste qui les accompagne. Ce sont, en d’autres termes, surtout des bouleversements …

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