Recensions

Secrets d’États ? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, sous la dir. de Nelson Michaud, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011, 778 p.[Record]

  • Ian Roberge

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Quoique l’utilisation du genre collectif pour un manuel ne soit pas toujours convaincante, il est important de noter ici la qualité quasi uniforme des contributions. C’est toute une réussite lorsque l’on considère que le livre compte 32 chapitres et tout près de 800 pages. Voici quelques exemples de contributions tout à fait intéressantes. Le chapitre d’Isabelle Boillat sur la fonction judiciaire offre fort probablement l’analyse la plus simple et la plus claire du système juridique que l’on puisse trouver dans un manuel au pays, toutes langues confondues. Luc Bernier et Luc Farinas étudient de façon lucide et honnête le rôle et la place des organisations autonomes. Jacques Plamondon est l’un des rares à contextualiser l’éthique dans la fonction publique, tant en termes de philosophie politique que sur le plan de l’application. Certains chapitres nous amènent dans d’autres directions qui ne sont généralement pas abordées dans un manuel d’administration publique. C’est le cas du chapitre écrit par Daniel Caron, qui discute de la production documentaire dans les administrations publiques, un enjeu de taille souvent oublié. Il est rare que l’on traite de politique étrangère et de sécurité dans un manuel d’administration publique. C’est pourtant ce que font avec aplomb à la toute fin Nelson Michaud (politique étrangère) et Jocelyn Coulon (sécurité). Trois critiques peuvent être faites de ce collectif, somme toute mineures. Premièrement, le livre traite très peu des théories organisationnelles. Bien entendu, il y a le chapitre obligatoire, écrit par Michèle Charbonneau, qui fait l’historique à partir de Max Weber jusqu’au nouveau management public. La discipline telle qu’étudiée au Canada fait peu de cas de l’organisation, une faiblesse qui n’est pas ici palliée. Deuxièmement, le livre est fondamentalement conservateur dans sa façon de voir l’administration publique. Il ne présente pas du tout les nouvelles approches – ou les approches alternatives – en administration publique ; il ne discute pas non plus de la place de la femme dans l’organisation publique, ou encore ne jette pas un regard féministe sur l’appareil d’État. Les méthodes de recherche ont également évolué dans la discipline, mais c’est une réalité complètement absente du livre. Troisièmement, la plupart des chapitres font un bon travail pour présenter le cas québécois dans son contexte canadien. En ce sens, le livre pourra être utilisé hors Québec. Certains chapitres, toutefois, mettent trop l’accent sur le Québec. C’est le cas, entre autres, du chapitre de Gilbert Charland sur le rôle et les pouvoirs du premier ministre (québécois et non canadien) ainsi que du chapitre sur le budget écrit par Yvan Dussault et Paul-Émile Arsenault. Par conséquent, un professeur hors Québec devra continuer d’utiliser une ressource anglophone pour traiter de ces thèmes et de quelques autres dans ses cours.