Recensions

Bryan Caplan, The Myth of the Rational Voter : Why Democracies Choose Bad Policies, Princeton (NJ), Princeton University Press, 2007, xiv+276 p.[Record]

  • Yves Laberge

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La réédition de ce livre injustement mé- connu, paru initialement il y a cinq ans, permettra sans doute à un nouveau lectorat de découvrir un exposé rigoureux et parfois provocateur dont pratiquement personne n’avait parlé au Canada. Depuis sa parution, The Myth of the Rational Voter : Why Democracies Choose Bad Policies a été encensé et primé du 2008 Silver Independent Publisher Book Medal, Current Events Category. De plus, une version en livre électronique est désormais disponible et l’on peut d’ailleurs en lire gratuitement l’Introduction sur le site Internet de l’éditeur, Princeton University Press. Tout le livre part d’une question simple : pourquoi les populations décrient, critiquent et condamnent les politiciens qu’ils ont élus et leurs politiques ? Pour cet économiste de la George Mason University (en Virginie), il existerait un mythe autour de l’intelligence ou de l’hypothétique rationalité de l’électeur, que ce soit lors des sondages ou au moment des élections, qui nous ferait conclure que l’électeur choisit toujours rationnellement ses politiciens et par conséquent les politiques qui en découlent (p. 7). Or, selon le professeur Caplan, il ne saurait être question de rationalité de l’électeur pour tenter de comprendre les résultats électoraux et leurs inévitables conséquences, parfois lors de décisions imprévues ou inattendues (résultant souvent en « des politiques dont personne ne veut »), mais il faudrait plutôt parler de la rationalité de seulement quelques électeurs et de l’irrationalité de certains autres électeurs, dans des proportions variables et imprévisibles. Cependant, l’influence collective de cet amalgame d’électeurs irrationnels (et dont le vote est irrationnel) joue un rôle non négligeable dans l’approbation du candidat ou du parti ayant les idées et les projets les plus discutables (p. 5). Or, ici, un vote irrationnel n’implique pas pour autant l’approbation d’un parti insensé ou à la limite destructeur ; dans bien des cas, ce vote irrationnel peut simplement vouloir dire un résultat déjà annoncé par les sondages (donc pas totalement imprévu), mais en même temps difficile à expliquer. Autrement dit, il ne faudrait pas sauter aux conclusions rapides pour affirmer que les électeurs ayant voté pour tel parti d’opposition sont forcément irrationnels : ce n’est évidemment pas le propos de cet ouvrage indéniablement rigoureux. En outre, si l’auteur base implicitement la plupart de ses raisonnements et de ses démonstrations sur la politique des États-Unis (parfois aux niveaux local, régional ou étatique) sans toujours le mentionner explicitement, il est en revanche peu question d’autres pays dans ce livre. En somme, l’ouvrage de Caplan est à la fois quantitatif sur le plan méthodologique (une multitude de tableaux et de statistiques sont convoqués), et résolument théorique dans sa volonté de démontrer les limites de la démocratie (« le pire des systèmes, après tous les autres », disait ironiquement Churchill), mais aussi de certaines théories en sciences sociales : par exemple celle du public choice ou celle du choix rationnel (p. 6). Par ailleurs, l’auteur utilise à maints endroits des démonstrations économiques pour expliquer des phénomènes récents qu’une grande proportion d’électeurs ne peuvent pas percevoir ou interpréter, notamment dans le cas du lien direct entre des niveaux de salaires artificiellement élevés et un haut taux de chômage (p. 11). Dans sa nouvelle préface pour cette édition avec couverture souple, Caplan se dit optimiste en dépit de sa vision de l’électeur qu’il conçoit comme étant trop souvent mal informé ou motivé par des raisons irrationnelles (p. xi), et il insiste sur la nécessité de ne pas considérer l’électeur-type comme étant systématiquement rationnel, car, en réalité, trop de personnes exerceraient leur vote d’une manière non fondée (p. x). Toutefois, lorsque pris ensemble, le poids collectif de tous …