Recensions

D’une nation à l’autre : discours nationaux au Canada, sous la dir. de Frédéric Boily et Donald Ipperciel, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2011, 240 p.[Record]

  • Yempabou Roland Gbangou

…more information

L’ouvrage collectif de Frédéric Boily et Donald Ipperciel présente à travers les discours nationaux un état des lieux du nationalisme de 1960 à nos jours, aux niveaux national, provincial et communautaire. L’objectif est de démontrer que le nationalisme qui repose sur les questions identitaires québécoise, autochtone et acadienne persiste et se manifeste aussi bien sur le terrain culturel que dans le champ médiatique. La diversité des sources (historiques, politiques et philosophiques), la pluralité des discours et des regards portés sur le nationalisme font l’originalité de l’ouvrage et participent à l’enrichissement des points de vue. Structuré en trois parties, l’ouvrage expose dans la première une vision des intellectuels canadiens-français et québécois par rapport au nationalisme. Ensuite est décrite celle des intellectuels canadiens-anglais vis-à-vis du même sujet. La troisième partie met en exergue le nationalisme périphérique des Autochtones. S’il faut reconnaître des divergences dans les approches des acteurs, il faut préciser qu’elles sont la conséquence première de leur origine, leur formation et leurs expériences. L’ironie du sort est que bien des acteurs qui ont consacré leur vie à défendre le nationalisme ont été oubliés des mémoires collectives. En référence au Ralliement national (RN) de René Jutras, Max Nemni regrette par exemple l’oubli de ce parti dans l’imaginaire collectif. Selon son propos relaté dans son chapitre intitulé « René Jutras et le Ralliement national : un nationalisme de transition », la fragilité du RN tenait au mode de recrutement qui ciblait surtout une population moyennement éduquée, peu encline à écrire et surtout ayant difficilement accès aux médias. Dans de telles circonstances, ils n’ont pu perpétuer les idéaux du RN, un parti indépendantiste d’obédience chrétienne qui n’a duré que quatre ans. Sa disparition a été accélérée par sa difficulté à s’implanter, expliquant son faible suffrage (3,2 %) aux élections de 1966. Durant sa vie éphémère, le RN, s’est dressé contre l’assimilation des francophones et a prôné leur ralliement au Québec. La référence au RN a le mérite d’indiquer que le mouvement souverainiste date bien avant les années charnières de 1970. Même si la vision du nationalisme selon le RN a été peu suivie, il demeure que la défense du nationalisme québécois fut relayée par Pierre Elliott Trudeau, Fernand Dumont et Gérard Bouchard. L’approche de Trudeau a été pragmatique. Sa vision a été influencée par son origine canadienne-française et ses études à Harvard et à Paris en sciences politiques. Il a révélé ses idées publiquement lors d’une conférence à Paris sur la promesse du Québec. Si Trudeau s’est inscrit dans la mouvance de l’époque qui exprimait les sentiments identitaires par des termes comme le Canada mon pays ; le Québec, ma patrie, sa particularité est qu’il prônait un fédéralisme et une souveraineté partagée entre les provinces et l’État central. Bien qu’étant un catholique pratiquant, il estimait que le Québec devrait trouver la voie du développement en dehors de l’église. Cette prise de position a engendré certaines difficultés à son égard. C’est ainsi qu’une version de son texte sur La promesse du Québec proposée pour publication dans le journal Le Devoir fut rejetée. Quant à Fernand Dumont, il s’est érigé en défenseur de la nation québécoise, en préconisant que celle-ci devrait se doter d’une personnalité propre. Sa spécificité est qu’il estimait que les intellectuels au niveau du Québec se doivent de défendre le nationalisme du peuple québécois qui est aphone et handicapé du fait de sa langue reléguée au second plan. Pour cela, il préconisait que les intellectuels soient imprégnés des réalités de leur milieu. Selon Dumont, la nation est un phénomène culturel qui va au-delà du simple partage de la langue. Elle implique le …