Recensions

La juridicisation du politique, sous la dir. de Jacques Commaille, Laurence Dumoulin et Cécile Robert, préface de Dominique Schnapper, Paris, LGDJ, coll. « Droit et Société », 2010, 230 p.[Record]

  • Massimo Prearo

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Paru initialement en 2000, alors que la scène politique française se trouve confrontée à une mise en tension par des événements marquants tels que le débat sur la parité, l’affaire du voile ou l’adoption du PaCS (Pacte civil de solidarité), ce livre collectif est réédité une décennie plus tard, au moment où le politique mondialisé vacille sous les coups d’une économie financière particulièrement offensive et puissante. Plaidoyer pour une politisation des questions que pose l’usage du droit dans la « régulation des rapports sociaux », cet ouvrage constitue une véritable boîte à outils de la recherche qui vise à élucider les effets sociaux et politiques du droit en tant que « fait normatif ». L’introduction de Laurence Dumoulin est à ce propos particulièrement éclairante puisqu’elle propose une entrée épistémologique en la matière, soulignant à la fois le « mouvement de juridicisation du social et du politique […] qui s’accompagne d’un mouvement de judiciarisation » (p  9). C’est-à-dire le fait qu’un certain nombre « de problèmes sociaux sont traités par l’institution judiciaire » (p. 10) et que le droit devient ainsi un facteur définissant les frontières du pensable et du praticable de l’action collective à la fois dans le jeu politique et dans l’espace social. Un constat inaugural qui permet d’introduire les deux temps autour desquels est organisé l’ouvrage : d’un côté, l’étendue et les raisons des « impensés disciplinaires pour penser l’articulation du juridique et du politique » (p. 23) et, de l’autre, la présentation de terrains divers où sont expérimentées ces articulations. Pour ce qui est de la première partie de l’ouvrage, il revient à Jacques Commaille, dans un article prônant une sociologie politique du droit plus qu’une « sociologie juridique », d’externaliser les conditions et les modalités de production de la norme juridique et de souligner à quel point « les multiples facettes de la technicité juridique n’obéissent pas seulement à ce qui serait une logique interne au droit lui-même, à ce que certains considèrent comme une ‘raison juridique’, mais bien à des logiques politiques » (p. 37). Il s’agit en d’autres termes de s’engager dans une « analyse de l’économie des relations entre le juridique et le politique, de la place du juridique dans la construction du politique, du rôle du juridique comme révélateur du politique » (p. 38). Et c’est bien le mérite de son article que de donner à voir l’imbrication – structurelle, serait-on tenté de soutenir – du juridique et du politique, en ceci que, naissant d’une même racine, comme en témoigne la génétique de la science politique et du droit public, ces deux dimensions apparaissent comme les piliers portants des sociétés organisées en ensembles étatiques. C’est la raison pour laquelle l’analyse de l’action publique constitue le site privilégié pour saisir en acte cette imbrication et, plus particulièrement, le rôle que les professionnels du droit jouent dans la conception et la mise en oeuvre des protocoles et dans la sémantisation juridique des référentiels, pour reprendre le vocabulaire proposé par Pierre Muller. L’article de Jacques Calliosse, « À propos de l’analyse des politiques publiques : réflexions critiques sur une théorie sans droit », insiste précisément sur ce point lorsqu’il maintient que les pratiques sociales du droit, « ordonnées autour de textes et de discours […] ne sont pas moins partie prenante des rapports collectifs : elles mobilisent les acteurs, impliquent les institutions publiques et privées, pour la constitution de ressources matérielles et symboliques » (p. 63). L’article de Gilles Pollet, qui se focalise sur l’analyse socio-historique des politiques sociales et de l’État providence, propose de déplacer la réflexion sur la production scientifique récente en langue …