Recensions

Chroniques des Amériques. Du Sommet de Québec au Forum social mondial, de Dorval Brunelle, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, 246 p.[Record]

  • Mamadou Lamine Sarr

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L’histoire des Amériques est jalonnée de multiples tentatives d’intégration politique, économique et commerciale. C’est à l’évolution de l’une de ces tentatives que s’intéresse Dorval Brunelle, professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal et directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal. Il analyse en effet le rôle des mouvements sociaux dans l’échec de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Son approche est intéressante, car elle diffère de l’analyse classique qui est souvent axée autour de l’opposition entre les États, notamment entre le Brésil et les États-Unis. Brunelle articule son ouvrage autour de cinq parties. La première partie constitue pour lui l’occasion de présenter la ZLEA, cette idée d’intégration économique promue par Washington. Revenant d’abord sur la première intégration économique qui a servi de laboratoire pour la ZLEA, à savoir l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), Brunelle développe les fortes oppositions auxquelles a fait face l’ALENA aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Il décrit ensuite l’évolution de la ZLEA, du premier Sommet des Amériques à Miami en 1994 au deuxième Sommet qui s’est tenu à Santiago quatre ans plus tard. Parallèlement à cette description, il retrace la genèse de la contestation sociale à travers des mouvements syndicaux et les sociétés civiles dans l’ensemble des Amériques. Brunelle cite entre autres les actions de l’Organisation régionale interaméricaine du travail (ORIT) ainsi que de l’Alliance sociale continentale (ASC) qui a organisé le premier Sommet des peuples des Amériques à Santiago en avril 1998. Cette forte contestation à l’échelle continentale illustre l’existence d’une certaine américanité, c’est-à-dire ce sentiment d’appartenance aux Amériques que partagent les militants des divers mouvements sociaux du continent. Dans la deuxième partie, Brunelle s’intéresse aux trois événements principaux de l’année 2001 : le troisième Sommet des Amériques à Québec, les attentats du 11 septembre 2001 et la première Rencontre continentale de lutte contre la ZLEA de La Havane. Les dispositifs de sécurité mis en place à l’occasion du Sommet de Québec illustrent toute la tension qui a entouré cette rencontre. Pour l’auteur, il apparaît que la consolidation de la démocratie, plus précisément de « la démocratie électorale » (p. 71), a été pour les participants un prétexte pour atteindre l’objectif principal qui était « la libéralisation des échanges à la grandeur des Amériques » (p. 71). Ce fondement démocratique a aussi constitué, en particulier pour les États-Unis, un moyen de poursuivre l’exclusion de Cuba des discussions hémisphériques, discussions qui se tiennent à la marge de la société, selon Brunelle. À ce « déficit démocratique » (p. 71) vient s’ajouter le recul du politique dans ses différentes prérogatives (économiques entre autres) du fait d’une « privatisation de l’espace public » (p. 73) de plus en plus accrue. Pour Brunelle, ce sont donc les craintes liées à ces deux aspects qui expliquent l’opposition de plus en plus ardue contre la ZLEA et le deuxième Sommet des peuples, organisé également à Québec, en est une illustration. Il revient également sur « la victoire citoyenne » (p. 76) qu’a constituée la publication de l’ébauche de l’accord concernant la création de la ZLEA. S’il précise que la sécurité a toujours figuré à l’agenda de l’intégration des Amériques, il souligne cependant que l’arrivée au pouvoir de Georges W. Bush en 2001 et surtout les événements du 11 septembre ont constitué un tournant dans la perception américaine de l’intégration commerciale du continent. Analysant les suites des attentats de New York, Brunelle montre comment l’Administration Bush a replacé les négociations commerciales comme composantes essentielles de la sécurité économique et de la sécurité intérieure des États-Unis à travers la National Security Strategy des États-Unis d’Amérique. C’est ainsi qu’il …