Recensions

L’Atlantique multiracial. Discours, politiques, dénis, sous la dir. de James Cohen, Andrew J. Diamond et Philippe Vervaecke, Paris, Karthala, coll. « Recherches internationales », 2012, 393 p.[Record]

  • Mamadou Lamine Sarr

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Cet ouvrage collectif est issu en partie du colloque « Nation, Immigration and Identity Accross the Atlantic : France, Great Britain and the United States in Comparative Perspective » qui s’est déroulé les 19 et 20 juin 2009 à Lille (France). Dès le chapitre introductif, James Cohen, Andrew J. Diamond et Philippe Vervaecke rappellent que, depuis quelques décennies, la notion de race tend à disparaître dans le discours politique, pour laisser place à la notion de color-blindness, c’est-à-dire le refus de distinguer ou de catégoriser les individus selon la couleur de leur peau. Cette approche cache cependant l’existence d’une nouvelle version du racisme qui s’appuie sur les différences culturelles et de valeurs. Ce livre porte donc sur l’étude des dynamiques et des conséquences de la racialisation que les auteurs définissent comme « une forme d’assignation ou de construction sociale de l’altérité » (p. 10) et dont le racisme constitue « la forme radicalisée » (p. 11). L’ouvrage est structuré en trois parties dont toutes les contributions se rapportent à la situation aux États-Unis, en France et/ou en Grande-Bretagne. Dans la première partie intitulée « Enjeux racialisés dans l’espace urbain » et comportant cinq chapitres, les auteurs s’intéressent à la relation entre les inégalités qualifiées de raciales et l’existence ou non de violences urbaines. Michael Katz et Thomas Sugrue s’interrogent sur les raisons pour lesquelles les violences urbaines des années 1960 aux États-Unis ne se sont pas reproduites malgré la persistance des inégalités raciales, par ailleurs minimisées par les autorités. Faisant le parallèle entre les violences américaines des années 1960 et les émeutes des banlieues françaises en 2005, ils distinguent trois facteurs explicatifs. Il y a d’abord « l’écologie du pouvoir » (p. 44), que les auteurs assimilent à la migration des Blancs des centres-villes vers les périphéries. Cette migration a fini par placer les élites noires à la tête des villes et a conduit à l’émergence d’une classe moyenne noire. Il y a ensuite « la gestion de la marginalisation » (p. 46) à travers, entre autres, un plus grand accès aux services (éducation, emploi, logement) et à la consommation, ce qui a contribué à la baisse des mobilisations des Afro-Américains. Le troisième facteur est « l’incorporation et le contrôle des migrants » (p. 53) grâce auxquels les autorités américaines ont pu éviter toute mobilisation. La démobilisation des Noirs est justement abordée par Diamond dans le deuxième chapitre. En s’intéressant à l’ouragan Katrina qui a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005, il relève que l’absence de grandes mobilisations politiques à la suite de cette catastrophe s’explique par « le néolibéralisme et le racisme culturel » (p. 68). En effet, pour la majorité des Blancs comme pour une grande partie de la classe moyenne noire, la mauvaise gestion et la passivité du gouvernement fédéral ne reflètent pas une injustice raciale. Diamond termine sa contribution en montrant que la situation aux États-Unis n’était pas unique et que la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy souffrait de mêmes maux avec la stigmatisation des jeunes des banlieues et le débat sur l’identité nationale. Paul Silverstein aborde quant à lui un sujet assez original, à savoir la place des rappeurs français dans le paysage politique. Pour l’auteur, les rappeurs sont devenus des acteurs politiques, car ils occupent une « fonction dominante d’intellectuels organiques dans les banlieues » (p. 114). Un élément important qui ressort de cette contribution est l’accusation mutuelle de racisme entre la classe politique et les artistes. En effet, alors que les artistes se considèrent comme des dénonciateurs d’une injustice raciale qui frappe les populations des banlieues qui ne jouissent pas des …