Recensions

La droite en Alberta : D’Ernest Manning à Stephen Harper, de Frédéric Boily, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013, 218 p.[Record]

  • Dustin J. McNichol

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La nécessité de faire une analyse de la droite en Alberta s’impose, selon Frédéric Boily, à la lumière des changements majeurs en politique et en économie canadiennes, tels que l’essor démographique/politique de l’Ouest canadien et l’importance des sables bitumineux dans l’économie nationale. La droite en Alberta demeure méconnue parce que la littérature existante ne tient pas suffisamment compte de la culture et de l’histoire politiques de la province. En mettant l’accent sur la culture politique albertaine ainsi que l’application des théories de la droite en science politique, Boily fait ressortir les grandes influences historiques, idéologiques, politiques et culturelles de la droite albertaine. L’ouvrage est divisé en six chapitres qui analysent les différentes dimensions de la politique albertaine et canadienne. Le premier chapitre décrit la naissance de la culture politique albertaine comme un curieux mélange de radicalisme économique et de conservatisme religieux-social. Avant la montée de l’industrie pétrolière dans les années 1940, c’est l’économie politique du blé qui incite les fermiers albertains, assujettis aux banques et aux compagnies de chemins de fer, à développer une culture de contestation radicale. Certains leaders établissent une tradition de populisme qui rejette les partis politiques en faveur de la démocratie directe. Le pasteur William Aberhart, leader du Crédit social, ajoute un discours religieux conservateur à ce radicalisme et remporte les élections de 1935. Toutefois, selon Boily, le Crédit social d’Aberhart ne peut pas être qualifié de parti de droite, car celui-ci prône des interventions étatiques dans l’économie provinciale ainsi qu’une certaine égalité socioéconomique pour toute la population. C’est plutôt Ernest Manning, successeur d’Aberhart, qui amène le Crédit social plus à droite sur les plans économique et social afin de contrer le socialisme qui s’implante en Saskatchewan. L’histoire politique de l’Alberta comporte donc de deux « droites » différentes : l’une est héritière du passé radical et prône un rôle actif de l’État dans la vie économique ; l’autre adopte des idées plutôt classiques de la droite. Au chapitre deux, Boily explique la continuité de cette tradition chez deux grands leaders des Progressive Conservatives (PC) dans cette province, Peter Lougheed et Ralph Klein. Lougheed, comme Aberhart, n’est pas un premier ministre qu’on peut qualifier de « purement de droite », car il ne s’oppose pas à l’intervention de l’État dans l’économie albertaine. Lougheed cherche à établir un État actif et moderne afin de diversifier l’économie provinciale ; toutefois, d’une certaine manière, celui-ci peut être décrit comme un leader de la droite puisque, pour lui, c’est l’initiative individuelle et non la bureaucratie qui est à la base de la vie économique. Klein, par contre, s’apparente davantage à Manning par sa vision et son style. Son programme de néolibéralisme mène à un retrait de l’État et à des coupures budgétaires ; il est plus populiste que Lougheed, se servant notamment des médias pour se donner l’image de l’homme du peuple. Mais Klein continue aussi la tradition du leader dominant en démantelant plusieurs comités du cabinet et en faisant preuve d’une grande autorité de prise de décision comme premier ministre. Au chapitre trois, Boily explique la façon dont le Wildrose Party s’impose comme une nouvelle force dans la politique albertaine. Après la démission de Klein en 2004, le PC est affaibli par de nombreux conflits internes, et ce, jusqu’en 2012. C’est pendant ces années que le Wildrose Party gagne de plus en plus de vitesse. La popularité de ce parti, issu surtout de l’aile droite du PC, se nourrit de l’incapacité du PC à définir son conservatisme. Lorsque Alison Redford devient la nouvelle leader du PC en 2012, elle repositionne le parti en l’amenant plus à gauche afin de …