Recensions

Ces constitutions qui nous ont façonnés. Anthologie historique des lois constitutionnelles antérieures à 1867, sous la dir. de Guy Laforest, Eugénie Brouillet, Alain G. Gagnon et Yves Tanguay, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 360 p.[Record]

  • Benoît Morissette

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Alors que le Canada s’apprête à célébrer le 150e anniversaire de la Confédération, le fédéralisme semble dépourvu de tout intérêt. La simple évocation du mot « Constitution » dans le débat public ravive la mémoire des décennies de déchirements provoqués par des désaccords au sujet de la formule d’amendement ou de la place du Québec au sein de la fédération. Toute proposition de réforme destinée à répondre aux demandes de reconnaissance des divers peuples qui composent la société canadienne se présente ainsi comme une entreprise vouée à l’échec. La diversité culturelle apparaît en conséquence comme une source de conflits irréconciliables, et le fédéralisme telle une organisation institutionnelle incapable de produire des consensus durables entre les Canadiens. Cette anthologie riche et stimulante invite les lecteurs à reconsidérer la valeur du fédéralisme et de la diversité en regroupant les écrits d’une quinzaine d’historiens francophones et anglophones consacrés aux constitutions canadiennes adoptées avant la Confédération. L’ouvrage est divisé en deux sections. La première recueille les extraits de six synthèses de l’histoire constitutionnelle canadienne, rédigées entre 1845 et 1971 par trois historiens anglophones et trois francophones. Ces textes offrent un « panorama global » de la période étudiée en relatant les transformations institutionnelles induites par les quatre constitutions à l’examen : la Proclamation royale, l’Acte de Québec, l’Acte constitutionnel et l’Acte d’Union. La deuxième section croise le regard d’historiens anglophones et francophones sur chacune de ces lois. Ces textes ont pour la plupart été écrits durant la seconde moitié du vingtième siècle. Les directeurs de l’anthologie invitent leurs lecteurs à la lire comme un recueil juxtaposant des extraits de textes rangés parmi les canons de l’historiographie politique canadienne. Il s’agirait d’apprécier une pensée qui cherchait à s’inscrire dans la durée tandis que l’époque contemporaine favorise une réflexion privilégiant l’instantanéité (p. 4). Une attention précise à la chronologie des textes invite cependant à l’apprécier comme un essai expliquant l’indifférence qui caractérise actuellement les relations entre les « peuples fondateurs » et la torpeur des débats constitutionnels contemporains. Ces constitutions qui nous ont façonnés révèle alors une transformation du contexte discursif dans lequel se déroulent les dialogues politiques en dévoilant deux conceptions de l’histoire dans lesquelles résonnent deux modes de compréhension des liens civiques qui unissent les citoyens canadiens. La modernité des textes colligés en première partie apparaît clairement lorsqu’ils sont relus dans le contexte de cette anthologie. Elle se traduit par la posture intellectuelle d’un historien qui dissocie dans son récit les institutions politiques de l’identité du peuple qu’elles gouvernent. Cette perspective est évidente dans le traitement critique réservé aux actions des personnages racontées par l’historien dans son récit. Les directeurs du collectif soulignent par exemple que l’extrait de Sir John G. Bourinot témoigne d’un regard qui atteste « d’une double loyauté canadienne et britannique » (p. 13). Bourinot relate les difficultés éprouvées par les colons, qu’il estime justifiées, tout en démontrant la nécessité d’y répondre par des politiques qui favorisent les intérêts de l’Empire. William P.M. Kennedy et Duncan McArthur relèvent dans leur texte respectif les inadéquations entre les constitutions adoptées à Londres et les aspirations des colons. Ils évoquent chacun l’avènement d’un contexte propice à la formation d’un désir d’autonomie politique parmi les « peuples fondateurs » d’une société politique à laquelle ils s’identifient. L’analyse des historiens francophones témoigne d’une même vision. « Entre hier et aujourd’hui, entre le Régime français et le Régime britannique, n’imaginons rien d’une rupture artificielle ou absolue. La même entité humaine continue sa vie », écrit le chanoine Lionel Groulx (p. 101). Comme lui, Thomas Chapais et François-Xavier Garneau racontent l’histoire d’un peuple français envers qui ils …