Recensions

Remaining Loyal : Social Democracy in Quebec and Saskatchewan, de David McGrane, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014, 373 p.[Record]

  • Hubert Rioux Ouimet

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Généralement, un accord de fond quant aux thèses centrales d’un ouvrage s’accompagne d’une critique positive. Ce ne sera pas le cas ici. À plusieurs égards, ce livre est une occasion manquée. Il l’est d’abord par sa structure : alors qu’en introduction David McGrane annonce une analyse axée sur les transitions québécoise et saskatchewanaise à la « troisième voie » (p. 4), typologie popularisée par le sociologue Anthony Giddens pour catégoriser les politiques publiques entre social-démocratie et néolibéralisme adoptées, entre autres, par les travaillistes de Tony Blair, à peine 80 pages y sont véritablement consacrées contre 140 portant essentiellement sur l’avènement et « l’âge d’or » de la social-démocratie traditionnelle dans ces provinces. Il l’est ensuite par sa méthodologie : le lecteur est effectivement laissé avec l’impression qu’il ne s’agit que de déclarer certaines politiques « loyales » aux principes sociaux-démocrates pour qu’elles le soient, puis qu’en cela l’argument de l’auteur repose plus sur une définition caricaturale du néolibéralisme que sur une évaluation sérieuse de ses politiques. Ces faiblesses recouvrent toutefois d’indéniables qualités. La principale est l’originalité et, à notre avis, la justesse de l’argument essentiel de l’ouvrage, qui comporte deux volets : d’abord, que les réformes adoptées par les néo-démocrates saskatchewanais sous Roy Romanow et Lorne Calvert (1991-2007), puis par les péquistes de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry (1994-2003), auront visé à adapter et parfois à étendre la portée des politiques sociales et industrielles héritées des administrations sociales-démocrates de Tommy Douglas (1944-1961), de Woodrow Lloyd (1961-1964), d’Allan Blakeney (1971-1982) et de René Lévesque (1976-1985) ; ensuite, que cette fidélité adaptative aux principes sociaux-démocrates s’explique principalement par une continuité idéologique rencontrant certaines contraintes institutionnelles liées au fédéralisme canadien et à la mondialisation, puis médiatisée par la persistance d’une « culture politique » promouvant l’intervention gouvernementale et la concertation entre classes au Québec et en Saskatchewan (p. 34-44). Ce double argument, que McGrane oppose aux analyses néomarxistes décrivant la troisième voie comme une dérive néolibérale s’expliquant par l’influence politique dominante des classes moyennes post-matérialistes, le pouvoir structurel du capital transnational et la désyndicalisation (p. 228-235), souffre toutefois d’une démonstration déficiente. À une épistémologie constructiviste-institutionnaliste (Hay, 2011) est apposée une méthodologie descriptive qui permet difficilement de comprendre comment les cultures politiques auxquelles l’auteur réfère s’imposent aux agents et s’incarnent dans les processus d’élaboration des politiques publiques au Québec et en Saskatchewan. Un premier chapitre décrit le cadre conceptuel utilisé. McGrane y définit la social-démocratie comme une idéologie – « an organized and patterned values or belief system » (p. 14) – remontant aux écrits de la Société des Fabiens du haut dix-neuvième siècle et favorisant une vision réformée du capitalisme reposant sur « l’égalité des conditions », l’action régulatrice d’un État centralisé, la fiscalité progressive et la syndicalisation (p. 17). À cette version traditionnelle il rattache les principes de la troisième voie telle que caractérisée par Giddens : « l’égalité des chances » grâce à une redistribution débureaucratisée, l’économie du savoir partenariale et coopérative, le féminisme, le multiculturalisme, l’environnementalisme et la décentralisation (p. 22-25). Or, pour toute définition du néolibéralisme, McGrane se réfère essentiellement à Friedrich Hayek et adopte une perspective très autrichienne, sinon caricaturale : individualisme radical, retrait massif de l’État, marché autorégulé, destruction du filet social, patriarcat (p. 26-28). De l’adoption de tels idéaux-types découlera une distinction relativement peu nuancée – et par là peu pertinente quoique centrale à l’argument de l’auteur – entre troisième voie et néolibéralisme. Les deuxième et troisième chapitres font remonter les racines de l’idéologie sociale-démocrate en Saskatchewan et au Québec au développement de cultures politiques collectivistes en leur sein. Dans le premier cas, l’avènement …

Appendices