Recensions hors thème

The Government of Life : Foucault, Biopolitics and Neoliberalism, sous la dir. de Vanessa Lemm et Miguel Vatter, New York, Fordham University Press, 2014, 292 p.[Record]

  • François Clec’h

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Si la publication assez récente des cours de Michel Foucault au Collège de France a permis de combler les lacunes et de dresser un meilleur portrait d’ensemble de son oeuvre, force est de constater que celle-ci échappe néanmoins à toute tentative de systématisation, sa richesse d’analyse laissant place à une multitude d’interprétations parfois contradictoires. À ce titre, The Government of Life : Foucault, Biopolitics and Neoliberalism présente une collection d’essais originale et actuelle qui vise à contribuer aux débats conformistes s’articulant autour de ses travaux sur la biopolitique et la gouvernementalité. Les propos des auteurs mis à contribution reflètent de manière générale un positionnement critique par rapport à la réception italienne de Foucault. Codirigé par Vanessa Lemm et Miguel Vatter (University of New South Wales), l’ouvrage mobilise de nombreux spécialistes reconnus internationalement et provenant de traditions universitaires diverses. Plutôt que de proposer une réponse univoque et systématique à ce en quoi consiste exactement la « nature » de la gouvernementalité et de l’ordre normatif libéral, les cours de Foucault suggèrent deux pistes d’investigation qui s’entrecroisent continuellement tout au long de son oeuvre et représentent en quelque sorte une ligne de partage perméable autour de laquelle s’articulent les différentes contributions de cette collection. La première piste d’investigation cherche à explorer la relation entre ce standard « naturel » de conduite et la sphère de la vie biologique. La seconde approche concerne plutôt le contenu légal de l’ordre normatif et les analyses de Foucault visant à repenser le système de droit libéral. Ainsi, pour Maria Muhle et Thomas Lemke, la notion de gouvernementalité représente une transformation radicale et un approfondissement des travaux antérieurs de Foucault sur le savoir-pouvoir. Alors que certains articles réagissent directement aux interprétations influentes issues de la théorie italienne, notamment celles d’Antonio Negri, de Giorgio Agamben ou de Roberto Esposito (tel est le cas des essais de Judith Revel, Roberto Nigro et Francesco Paolo Adorno), plusieurs contributions remettent aussi en question la réception anglo-américaine du « dernier » Foucault et abordent le problème de la gouvernementalité dans la perspective de la domination actuelle exercée par la philosophie politique libérale (notamment les essais de Paul Patton, Melinda Cooper et Miguel Vatter). L’originalité de The Government of Life consiste par ailleurs à traiter la question du retour de Foucault à la philosophie socratique dans ses derniers cours non pas comme une rupture par rapport à ses travaux précédents, mais plutôt comme une composante essentielle et indissociable du problème posé par la gouvernementalité, notamment en ce qu’elle ouvre la voie à des « formes de vie » alternatives comprises comme autant de formes de résistance (les essais de Frédéric Gros, Simona Forti et Vanessa Lemm s’inscrivent dans cette perspective). L’ouvrage est divisé en quatre parties. La première cherche à repenser différents aspects de la gouvernementalité néolibérale en tant qu’ordre normatif, entre autres à l’aune de la notion de « technologie de sécurité » (p. 60). La seconde partie continue d’approfondir les deux pistes d’investigation possibles d’une biopolitique « affirmative » chez Foucault, notamment en faisant état de la dette qu’il a contractée envers Georges Canguilhem et de sa conception de la normativité biologique. Les contributions de la troisième partie du volume sont dédiées à la reconstruction de Foucault du libéralisme en tant que forme de rationalité politique. Quoique cette idée soit évoquée par tous les essais précédents, la quatrième et dernière partie de la collection discute explicitement de la possibilité introduite par Foucault d’une « forme de vie » alternative qui puisse se substituer au « government of life » libéral et néolibéral. La transition de Foucault de la critique kantienne à …