Recensions hors thème

Adieux au capitalisme : Autonomie, société du bien vivre et multiplicité des mondes, de Jérôme Baschet, Paris, La Découverte, 2014, 201 p.[Record]

  • Nicolas Gauvin

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Dans le premier chapitre, Baschet s’empresse de définir le caractère délétère du capitalisme (p. 19) ; il en retrace brièvement l’historique. Le capitalisme se constitue entre le milieu du dix-huitième siècle et les premières décennies du dix-neuvième siècle. À partir de cette époque, l’économie émerge comme une sphère d’activité autonome de la vie sociale. Elle a sa propre logique et impose sa propre représentation de l’humanité, dans laquelle l’humain est un être constamment à la recherche d’un gain. Le déploiement de ce système se fait à l’aide des institutions disciplinaires de l’État « et son idéologie de l’intérêt général » (p. 30). Avec l’arrivée du néolibéralisme durant les années 1970, le capitalisme resserre son emprise sur la société. L’État auparavant facilitait le déploiement du capitalisme à partir d’une logique intrinsèque. Son fonctionnement découle désormais d’une logique managériale et d’efficacité qui s’aligne parfaitement à celle du capitalisme. Les conduites sociales, quant à elles, s’ajustent de plus en plus à la logique de l’économie ; autrement dit, l’individu est invité à se concevoir comme une « petite entreprise » condamnée à fructifier son « employabilité » (p. 45). Selon Baschet, dans un tel contexte une recherche d’alternative s’impose. C’est ce qu’il va faire dans les chapitres subséquents. Au chapitre 2, Baschet met en lumière l’importance qu’a « l’autonomie » dans l’avènement d’une société post-capitaliste. Pour lui, l’expérience zapatiste s’avère révélatrice. Le zapatisme est un mouvement indigéniste mexicain qu’il qualifie comme étant « l’une des plus profondes ‘utopies réelles’ actuellement déployées » (p. 54). Cet intérêt pour l’expérience zapatiste s’explique en partie par une forme d’autogouvernement pratiquée par les zapatistes : les conseils de bon gouvernement (p. 60-61). Baschet s’appuie sur cette expérience pour démontrer que le dépassement du capitalisme implique un dépassement de l’État qui participe à la domination capitaliste, car celui-ci représente faussement les intérêts de la collectivité. Il amplifie la dichotomie entre gouvernants et gouvernés (p. 71). En tant que forme politique, l’autonomie atténue cette distance en s’articulant à partir de la commune locale qui s’autogouverne selon une forme de démocratie participative (p. 77). Le chapitre qui suit est consacré à la forme que pourrait prendre une société post-capitaliste. Baschet affirme que la base matérielle de celle-ci existe déjà. Cependant, il faut reconsidérer les exigences du régime de production. La production économique doit être assujettie « à la préservation de formes de vie collectivement choisies » (p. 96). Ce changement de régime de production, dont la visée est la libération de l’économie, doit passer par une « révolution du temps » (p. 97). Dans une société libérée de l’économie, le temps libre disponible n’est pas un simple reste, « il est l’essentiel » (p. 105). Au temps spécialisé et déterminé par les nécessités du travail de la société capitaliste, la société libérée de l’économie propose un temps disponible à tous dans lequel la patience et la lenteur sont des vertus cardinales (p. 107). Cette décompression du temps rend possible l’élaboration d’une subjectivité formatée par la coopération et non la compétition. Cet agir coopératif a pour principe l’accès égal de tous à la prise de décision collective et à la définition des tâches productives. Cette autonomie prend des formes diverses en fonction des collectifs et des particularités des lieux (p. 116). C’est pour cela qu’il faut, selon Baschet, esquisser un nouvel universalisme, un universalisme qui remet en question la figure occidentale de l’être humain qui est imprégné par l’individualisme. Cette nouvelle figure de l’humanité devra également prendre en compte les rapports humains/environnement (p. 121). À cet égard, le concept du bien vivre que transportent les luttes indigènes d’Amérique latine semble être …