Recensions

L’indépendance par la république. De la souveraineté du peuple à celle de l’État, de Danic Parenteau, Montréal, Fides, 2015, 202 p.[Record]

  • Mariève Forest

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  • Mariève Forest
    École d’études sociologiques et anthropologiques, Université d’Ottawa
    mforest@uottawa.ca

Alors que, dans un premier opuscule, Danic Parenteau présentait aux Québécois la pratique sociale républicaine du Québec (2014), il s’adresse cette fois aux acteurs du mouvement indépendantiste pour rattacher le dessein du pays à naître à une réflexion stratégique misant sur le républicanisme, dit autrement, sur « la souveraineté par le peuple et pour le peuple ». Il s’avère plutôt facile d’adhérer à la proposition de l’auteur de se tourner vers la « voie républicaine ». En effet, dans la mesure où la forme politique du pays Québec a été peu esquissée, ce que Parenteau rappelle, il semble approprié de s’y pencher sérieusement. En outre, les modèles politiques des États indépendants étant peu nombreux à se marier à une société démocratique, le déploiement du républicanisme comme manière d’être sociale et politique apparaît somme toute intuitif. L’ouvrage se décline en quatre chapitres. Le premier propose une présentation plus académique du modèle républicain, l’auteur le définissant à partir de deux formes, dont la première renvoie à un régime politique où la souveraineté du peuple est revendiquée. Ce régime est mis en opposition avec le régime monarchique qui privilégie la souveraineté du monarque. L’auteur insiste davantage sur la seconde forme du modèle républicain, qu’il nomme « républicanisme » et qui recouvre une conception du social et du politique opposée cette fois au libéralisme anglo-saxon. Les différences fondamentales entre ces deux représentations sont ensuite exposées. D’un côté, le républicanisme reconnaît le peuple et sa liberté, il associe le pouvoir à la volonté collective du peuple, il promeut l’intérêt général et la laïcité, il valorise de même la vertu civique, notamment par le biais de l’éducation. D’un autre côté, le libéralisme anglo-saxon privilégie les libertés individuelles, il fixe des limites à l’exercice du pouvoir afin de protéger les droits individuels, il assure la coexistence des intérêts particuliers et préfère le sécularisme ; il adopte enfin une conception juridique de la citoyenneté et de l’éducation. Au second chapitre sont abordées les difficultés stratégiques du mouvement indépendantiste. La première de ces difficultés consiste en l’effritement depuis 1995 de l’alliance des forces politiques progressistes et nationalistes – alliance née dans les années 1960. Les progressistes se désengagent donc de l’option indépendantiste, préférant d’autres luttes politiques, telles que celle contre le néolibéralisme ou celle écologiste. Les nationalistes optent quant à eux pour une plus grande neutralité du discours indépendantiste. Une deuxième difficulté naît du désintérêt à l’égard de la critique du régime canadien, tant dans son caractère monarchique que parlementaire. La stratégie fondée sur le « tout-référendum » constitue une troisième difficulté, en particulier en raison des défaites de 1980 et de 1995, de même que de l’évolution du contexte politique. Désormais le référendum, brandi comme une menace, sert davantage la cause de ses adversaires, précise l’auteur ; par ailleurs, la recherche des « conditions gagnantes » relègue ses partisans à une position d’attente inconfortable. Au troisième chapitre, Parenteau propose l’instauration d’un projet indépendantiste fondé sur un républicanisme à la québécoise. Il invite plus précisément à « repenser les fondements théoriques de l’indépendance du Québec sur la base de l’expression de la volonté du peuple québécois, dans une démarche de réappropriation collective de ses institutions politiques » (p. 137-138). Il rappelle que le peuple n’occupe qu’une place négligeable au sein de la stratégie indépendantiste actuelle, où la prise de pouvoir est devenue une fin en soi. Le renouvellement du discours sur l’indépendance passe ainsi par la refonte de l’alliance entre progressistes et nationalistes autour d’une valorisation de l’idéal d’intérêt général, renvoyant à l’esprit coopératif ayant marqué le modèle économique québécois tout en favorisant une mise à distance du libéralisme …