Recensions

Les juges contre le Parlement ? La conscience politique de l’Ouest et la contre-révolution des droits au Canada, de David Sanschagrin, Québec, Presses de l’Université Laval, 2015, 188 p.[Record]

  • Arjun Tremblay

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  • Arjun Tremblay
    Stagiaire postdoctoral, Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes
    Département de science politique, Université du Québec à Montréal
    tremblay.arjun@uqam.ca

L’ouvrage est divisé en six chapitres. Dans le premier, l’auteur établit l’arrière-plan définitionnel et contextuel en vue de sa thèse centrale. Entre autres, il définit ce qu’il entend par un « intellectuel ». En se basant sur les travaux de Raymond Boudon et François Barricaud (Dictionnaire critique de la sociologie, Presses universitaires de France, 1990), il le définit comme un individu « [pourvu] d’une certaine expertise ou compétence dans l’ordre cognitif », qui s’engage soit à « promouvoir des valeurs nouvelles », soit « à défendre les valeurs consacrées » et qui, par conséquent, « mobiliserait son capital culturel à des fins politiques en orientant le débat public, notamment à travers la publication et la signature de manifestes dans les médias » (p. 22). Il offre ensuite au lecteur un bref aperçu du discours politique de l’Ouest canadien, mettant notamment en relief ses traits distinctifs américains ainsi que son populisme (p. 23-26). Il conclut ce chapitre en distinguant, de manière préliminaire, les positions idéologiques du défunt Parti progressiste-conservateur du Canada de celles du Parti conservateur du Canada (p. 27-28). Dans le deuxième chapitre, l’auteur s’intéresse à la pensée d’un groupe d’intellectuels de l’Ouest qui, selon les médias canadiens, forment « l’École de Calgary ». Sanschagrin présente alors les principaux tenants et aboutissants de leurs critiques de la Charte de droits et de la judiciarisation de la politique canadienne. Les six intellectuels de la soi-disant École de Calgary sont, selon lui : F.L. [Ted] Morton, Rainer Knopff, Ian Brodie, Christopher Manfredi, Tom Flanagan et Stephen Harper lui-même. Ce dernier, il ne faut pas l’oublier, a obtenu une maîtrise en économie de l’Université de Calgary, en plus d’avoir collaboré à plusieurs projets avec Flanagan, Knopff et Morton (p. 32). Le lien qui unit ces six intellectuels est leur critique de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon eux, la Charte 1) est au service d’une élite postmatérialiste, 2) promeut une réingénierie sociale menée par les groupes minoritaires, 3) augmente le pouvoir de la Cour et du gouvernement fédéral, 4) puis, dans une optique plutôt américaine, aurait contribué à l’effondrement de la division entre les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif (p. 39-51). Bien que ces intellectuels aient « mobilisé leur capital culturel à des fins politiques en orientant le débat public », Sanschagrin critique l’appellation « École de Calgary » en raison d’une tendance à sous-estimer la diversité de leurs travaux (p. 36), sans compter que ces intellectuels de l’Ouest « ne disposent pas d’une revue pour diffuser leurs travaux » (p. 36) et que, contrairement à la « Chicago School », par exemple, les participants de la « Calgary School » ne sont pas tous à l’Université de Calgary (p. 37). Les deux chapitres qui suivent portent sur l’idéologie. Au chapitre 3, l’auteur décrit en termes généraux un « alphabet idéologique » commençant avec le libéralisme, passant par le conservatisme, le néoconservatisme, le néolibéralisme, le libertarianisme, et finissant avec l’ultralibéralisme. L’objectif du chapitre 4 consiste ensuite à « situer » et à « catégoriser » la pensée des six intellectuels de l’Ouest face à ces idéologies. Selon Sanschagrin, « l’influence prépondérante demeure un libéralisme classique auquel on ajoute un fragment Tory et un brin de réformisme (libéralisme individualiste radical et populisme » (p. 79). De plus, ce libéralisme classique se différencie d’un libéralisme « multiculturel et providentiel » qui favorise la judiciarisation de la politique. Le cinquième chapitre du livre se concentre sur les critiques marxiste, fonctionnelle et fédéraliste de la Charte. L’auteur y explique que, selon la critique marxiste, la Charte est un instrument de gouvernance qui est …