Recensions

An Introduction to Dialectics, de Theodor W. Adorno, Cambridge, Polity Press, 2017, 329 p.[Record]

  • Nichola Gendreau Richer

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  • Nichola Gendreau Richer
    École d’études politiques, Université d’Ottawa
    ngend101@uottawa.ca

Theodor W. Adorno [1903-1969] a fait de la dialectique son objet théorique principal. Presque tous ses ouvrages portent la trace de réflexions qui concernent cette approche. Selon de nombreux commentateurs de l’oeuvre du pionnier de l’École de Francfort, l’objectif théorique d’Adorno a été de proposer un nouveau concept de la dialectique qui soit orienté vers la rupture, la dissonance, l’atonalité. C’est dans son ouvrage majeur, Dialectique négative (1966, Suhrkamp), que ce projet devient effectif. Heureusement pour le lecteur qui souhaite amorcer la lecture de cet écrit dense et énigmatique, Adorno a laissé derrière lui des matériaux préparatoires qui permettent de mieux percevoir toute l’étendue et la complexité de ce qu’il entend par dialectique négative. Présenté pendant le trimestre de l’été 1958 à l’Université Johann-Wolfgang Goethe, à Francfort, An Introduction to Dialectics est l’un des premiers cours consacrés exclusivement au sujet de la dialectique. Par la suite, Adorno a consacré presque dix années d’enseignement à l’élaboration de la dialectique négative. Ces cours ont été publiés longtemps après la mort de l’auteur. An Introduction to Dialectics, par exemple, a été publié en langue allemande en 2010 (Suhrkamp), puis traduit en anglais en 2017 (Polity Press). Les premières leçons du cours d’introduction à la dialectique donnent une définition initiale de son objet. C’est la première pierre à la construction des réflexions d’Adorno sur la dialectique. Il explique que celle-ci peut être comprise de deux manières, soit comme étant une méthode de la pensée philosophique, soit comme étant la structure propre du développement de chaque chose (p. 1). La première définition est probablement la plus connue et la plus commune. Adorno la fait remonter aux écrits de Platon et à son mode d’enquête philosophique. Dans les dialogues de Platon, lorsque Socrate discute du beau, du juste, du bien, il cherche à aller au-delà du monde tel qu’il nous apparaît. C’est dans cet arrière-monde que se trouve la vérité des choses. De la sorte, chez Platon, il y a une confrontation entre deux réalités, entre un monde sensible et un monde intelligible, un monde des apparences et un monde de l’essence. Platon cherche donc à questionner, à dépasser la facticité du monde. Selon Adorno, ce questionnement est au coeur de la dialectique, ce qui nous amène à sa deuxième définition, c’est-à-dire que la dialectique est la structure propre du développement des choses. Adorno utilise encore l’exemple de Platon, cette fois pour créer une distance entre celui-ci et sa propre pensée. Adorno remarque que dans le Banquet, par l’entremise de Diotime, Platon explique que la structure de la réalité est complètement dépendante de ce qui lui donne une forme, soit son idée, celle-ci étant permanente, immuable et identique à elle-même (p. 15). De cette façon, le rapport qu’entretient la chose à son idée est unidirectionnel et fixe, la vérité du beau n’est pas dans ses multiples apparences, mais dans l’idée même du beau. La dialectique qu’Adorno essaie de développer comprend la vérité des objets dans leur relation à la totalité, celle-ci étant l’ensemble des médiations partant du particulier et allant à sa forme la plus abstraite (p. 20). C’est à partir de ces deux définitions préliminaires qu’Adorno entend discuter de ce qu’est la dialectique. Après avoir fait ces remarques, Adorno défend l’idée importante que la dialectique n’est pas une philosophie d’a priori ou, comme il l’appelle parfois, une prima philosophia (p. 106). Cette idée est présente dans presque toutes les leçons de ses cours sur la dialectique. À l’opposé de la dialectique, Adorno décrit deux idéaux types participant à la logique d’un principe premier. Premièrement, les réflexions ontologiques qui cherchent l’être des choses, …