Recensions

L’Afrique du Sud entre émergence et responsabilité, de Moda Dieng, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2017, 190 p.[Record]

  • Stéphanie Bacher

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Depuis la fin du régime d’apartheid dans les années 1990, l’Afrique du Sud tente de se départir de son lourd passé et de jouer un rôle plus constructif sur les scènes internationale et africaine. C’est dans cette logique que le pays, érigé en tant que modèle pour sa transition politique réussie, s’établit en tant qu’acteur clé dans les missions de paix et de sécurité sur le continent africain. Comment cette nouvelle puissance régionale s’affirme-t-elle dans le règlement des conflits et les opérations de paix sur le continent africain ? Et quelles sont les motivations sous-jacentes à sa participation dans ces conflits ? À partir de plusieurs études de cas, Moda Dieng met en exergue les tensions qui traversent la politique étrangère africaine, entre la promotion de la démocratie et des droits de l’homme et la promotion de ses intérêts nationaux. L’ouvrage commence par une présentation générale de l’état des hostilités en Afrique, un continent qui, depuis la période coloniale, est en proie à de nombreux conflits, au point où plus de la moitié des pays ont déjà été confrontés à des conflits ou des coups d’État (p. 25). Dieng expose les différentes formes d’instabilité qui touchent le continent tout en dégageant les tendances régionales en matière de conflits. Le deuxième chapitre décrit le rôle de l’Afrique du Sud dans les organisations africaines, qui est selon l’auteur l’expression la plus visible du soft power sud-africain et l’un des fils conducteurs de sa diplomatie (p. 44). Son influence s’illustre dans la création de deux institutions régionales importantes, l’Union africaine et le New Partnership for Africa’s Development (NEPAD), une institution de développement et de sécurité. L’engagement de l’Afrique du Sud au sein de l’Union africaine s’inscrit dans le principe de la renaissance africaine, qui vise à « rendre à l’Afrique sa juste valeur, autant en ce qui concerne son passé et ses réalisations que ses capacités à s’extirper des problèmes auxquels elle doit faire face » (p. 48). Son leadership au sein du NEPAD vise quant à lui à promouvoir un environnement propice pour ses acteurs financiers et économiques (p. 58). L’étude des processus de médiation sud-africaine dans la trajectoire des conflits burundais, ivoiriens et congolais est le sujet au coeur du troisième chapitre. Dieng décrit comment la médiation sud-africaine a permis de rapprocher les parties et d’aboutir à des accords de paix dans des conflits qui sont considérés comme étant parmi les plus complexes du continent. Ces succès n’ont toutefois pas été sans embûches, surtout en ce qui touche leur mise en oeuvre par la suite. Face au succès relatif de l’intervention de l’Afrique du Sud dans la médiation de ces trois conflits, son comportement dans la gestion de la crise zimbabwéenne, qui est décrite au chapitre suivant, offre un contraste frappant. Au lieu de promouvoir la démocratie et les droits fondamentaux, le régime de Pretoria a préféré une diplomatie conciliante, favorisant le dictateur Robert Mubage, en raison de la situation foncière commune dans les deux pays. C’est donc pour éviter que la crise ne s’exporte en Afrique du Sud que le pays a mis de côté ses valeurs et ses principes dans sa politique étrangère face à son voisin zimbabwéen. Le chapitre cinq se concentre quant à lui sur un autre aspect de l’implication de l’Afrique du Sud en faveur de la paix et de la sécurité, à savoir les opérations de paix auxquelles elle participe depuis 1999. Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique du Sud s’est investie dans plusieurs missions de paix régionales. Elle a envoyé des troupes au Burundi au moment où aucun autre pays ne voulait y …