Recensions

Climate Politics and the Impact of Think Tanks. Scientific Expertise in Germany and the US, d’Alexander Ruser, Basingstoke, RU, Palgrave Macmillan, 2018, 173 p.[Record]

  • Guillaume Lamy

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  • Guillaume Lamy
    Doctorant, science politique, Université du Québec à Montréal
    lamy.g@outlook.com

Depuis quinze ans, les think tanks ont la cote en science politique. Ces nouveaux objets ont raison de fasciner leurs contemporains. Situés à l’intersection de plusieurs champs, ils offrent leurs angles à tant d’approches de cette discipline : théorie des élites, groupes de pression, sociologie politique, relations internationales, politiques publiques. En ce sens, le livre d’Alexander Ruser, Climate Politics and the Impact of Think Tanks, traitant du rôle joué par ces derniers aux États-Unis et en Allemagne dans les processus des politiques climatiques, ne peut que confirmer la tendance actuelle, à savoir l’intérêt croissant pour ce genre d’organisations de recherche auxiliaire qu’il n’est plus possible d’ignorer. La littérature scientifique traitant de l’influence des think tanks conservateurs et néolibéraux américains s’enrichit qualitativement et quantitativement d’année en année. Après une succession d’études de cas ayant démontré le rôle majeur joué par les think tanks américains dans la négation du réchauffement climatique et même dans les rollbacks de politiques climatiques qui ont eu lieu sous la présidence de Georges W. Bush, il était plus que pertinent de procéder à une étude comparative pour vérifier si les think tanks génèrent les mêmes effets perturbateurs ailleurs dans le monde. Par exemple, le rôle que jouent les think tanks financés généreusement par les entreprises pétrolières aux États-Unis dans le contre-mouvement environnemental s’observe-t-il aussi en Allemagne ? C’est la question de recherche qui structure le livre de Ruser, professeur à l’Université d’Adger en Norvège. La démonstration qu’il y développe accouche d’une comparaison des plus instructives qui permet de comprendre avec davantage de subtilité que l’écosystème et la culture politique dans lesquels « habitent » les policy institutes composent des facteurs déterminants en ce qui a trait à la nature de l’influence qu’ils exercent sur les politiques nationales (p. 60). Sans prétendre mettre fin aux désaccords concernant la définition de l’objet en question, que Ruser a raison de présenter comme un terme générique ou umbrella term (p. 44), on peut présenter les think tanks comme des organisations de recherche qui font valoir une expertise sur les politiques publiques et les enjeux de sociétés et qui prennent généralement la forme d’organismes sans but lucratif (OSBL), avec ou sans mission de bienfaisance. Le chapitre consacré aux think tanks américains figure parmi les meilleures synthèses de ce qui a été produit sur les think tanks de combat (advocacy think tanks) en matière de réchauffement climatique. Avec plus d’un millier d’entités surtout concentrées dans la région washingtonienne, les États-Unis composent, à ce jour, le terreau le plus favorable à la prolifération de ces organisations de recherche militantes. Les facteurs sous-jacents à cette réalité évoqués par Ruser sont nombreux : système parlementaire à faible discipline partisane, ressources philanthropiques débordantes, foisonnement de lobbies, existence depuis longtemps d’un véritable marché de la recherche externalisée, surplus massif de professionnels de recherche titulaires d’un doctorat cherchant à offrir leurs services hors universités, polarisation sociale et médiatique inégalée en Occident, etc. (p. 57-59). Pour l’auteur, les think tanks conservateurs et néolibéraux sont « les représentants permanents » du réseau des climato-sceptiques à Washington (p. 92). Ils composent aussi un « rouage » important dans la machine républicaine (p. 92) où ils occupent une fonction stratégique essentielle. « In sum, the visible think tanks in the US belong to a conservative network that is structured around a shared belief system that favours free-market politics and fundamental opposition to government regulation. In the increasingly polarized political landscape of the US, climate change poses a major threat. » (p. 94) C’est bien pourquoi on peut dire avec Philip Mirowski (2013, Never Let a Serious Crisis Go to Waste. …