Recensions

Les élections au Québec : 150 ans d’une histoire mouvementée, de Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, 508 p.[Record]

  • Sara Teinturier

…more information

Ouvrage dense de quelque 500 pages, Les élections au Québec propose un parcours minutieux dans les 41 élections générales et les campagnes correspondantes tenues au Québec de 1867 à 2017. Écrit à quatre mains par Jean-Herman Guay, politologue, et Serge Gaudreau, historien (tous les deux de l’École de politique appliquée de l’Université Sherbrooke), ce livre présentait d’abord le défi d’une matière à la fois abondante, variée et inégale selon les moments historiques considérés, car de plus en plus fournie à mesure que l’on se rapproche de la période la plus récente. Ce sont précisément cette abondance et cette variété qui constituent l’armature de l’ouvrage, construit à partir d’un vaste corpus de sources primaires telles que presse, discours ou comptes rendus (p. 9). L’étude expose chacune des élections générales, réparties sur cinq périodes principales et autant de chapitres. Le premier chapitre traite de l’ancrage des partis libéraux et conservateurs dans la vie politique nationale (1867-1887), fortement liés alors à la scène fédérale. C’est ensuite le temps de « la grande ère libérale » (1900-1935), mais également de la diversification des organisations partisanes. Y succède le moment de la « tradition et [de l’]autonomie » (1936-1960), avec la domination de l’Union nationale. La dernière période du vingtième siècle (1960-2000) balance « entre le lys et l’érable », moment d’apogée de la question nationale dans les débats et les élections. De « nouveaux enjeux » dominent les années les plus récentes (2000-2017), caractérisées entre autres par la distanciation de la question nationale et par l’enracinement de tiers partis dans la vie politique québécoise. Chacun des chapitres est articulé de manière identique : une présentation générale de la période (éléments démographiques, événements économiques et sociaux les plus marquants…), trois synthèses portant successivement sur la « vie démocratique » (la situation concernant le droit de vote, les lois de financement des élections, le découpage des circonscriptions…), la « vie partisane » (les grandes évolutions concernant les différents partis québécois, leurs relations avec les forces politiques fédérales, les principales idées politiques dominantes) et la « vie gouvernementale » (la place de l’État dans la vie sociale et économique de la province). Une analyse succincte de chaque élection générale est proposée dans des « carnets de campagne » comprenant également les résultats nationaux des élections et de brefs extraits d’articles de la presse contemporaine. De la sorte, le parti pris chronologique et la méthode d’exposition choisie aboutissent à une saisissante et fourmillante chronique électorale, restituant dans leur contexte acteurs, partis et stratégies. Le lecteur suit pas à pas les chefs dans leur préparation, leurs choix, quelques-unes de leurs grandes décisions, et peut se laisser prendre au rythme palpitant de ces campagnes menées tambour battant – par exemple cette lutte entre Louis-Alexandre Taschereau et l’organisation Paul Gouin–Maurice Duplessis lors des élections de novembre 1935 (p. 189-195) ou les derniers mois du gouvernement d’Union nationale en 1959 et 1960, marqués à la fois par la disparition successive du chef du gouvernement et de son successeur Paul Sauvé, et par l’irruption d’un nouveau chef libéral, Jean Lesage, qui adopte ensuite le slogan de campagne « C’est le temps que ça change » qui conduit son parti au pouvoir (p. 306-314). Cette chronique électorale fouillée constitue une porte d’entrée remarquable dans la vie politique québécoise depuis 1867. Au fil des pages, les idées et les enjeux politiques revêtent une épaisseur historique, s’incarnent dans des personnalités ou à des moments particuliers : citons entre autres l’ancrage canadien-français des deux grandes forces partisanes, conservatrice et libérale, à la fin du dix-neuvième siècle et la relation au nouveau gouvernement fédéral (p. 20-25) ; l’ultramontanisme …