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Parmi les ouvrages de synthèse portant sur le fédéralisme, l’introduction de George Anderson est sans nul doute appelée à devenir une référence incontournable pour deux raisons principales. D’une part, l’auteur réussit en effet en moins de cent pages le tour de force de passer en revue les principaux aspects caractérisant le phénomène fédéral tout en en présentant des illustrations empiriques. D’autre part, la traduction du livre originellement paru en anglais en 2008 en près de vingt langues, dont le français, rend la diffusion et le rayonnement potentiels de cet ouvrage d’autant plus considérables. À cet égard, il nous faut préciser que nous considérons ici la version française du texte de George Anderson.

L’auteur de cette introduction au fédéralisme est sans conteste un expert dans le domaine fédéral, expertise acquise au cours d’une longue expérience dans la fonction publique fédérale canadienne et à la tête du Forum des fédérations, une structure établie à Ottawa qui réunit des élus et des fonctionnaires oeuvrant au sein de systèmes fédéraux dans tout le monde ainsi que des chercheurs s’intéressant au fédéralisme. George Anderson est également l’auteur d’une introduction comparative au fédéralisme fiscal, thème qui jouit d’ailleurs d’une place centrale, aux sens propre et figuré, au sein de cet ouvrage.

Benoît Pelletier, le préfacier de cette introduction, a le mot juste lorsqu’il écrit que l’ouvrage d’Anderson est « simple et direct, mais combien rigoureux et riche en informations » (p. x). Aussi ce livre identifie-t-il un public cible et annonce-t-il un objectif clair. Dans les termes d’Anderson, il s’agit d’un texte rédigé essentiellement à « l’intention des praticiens de la gouvernance fédérale, soit les politiciens, les représentants de gouvernement, les journalistes, les membres d’organisations non gouvernementales et internationales et les citoyens concernés » (p. xiv). L’objectif visé est très directement annoncé comme suit : « rédigé en termes simples […], ce livre traite à l’intention des participants au débat politique ou des décideurs, des points essentiels du fédéralisme d’une manière directe et fondamentale » (p. xiv).

Il ne fait pas de doute que le public visé y trouvera son intérêt. Il est de la même manière indéniable que l’objectif fixé soit atteint. Le livre offre une description comparative du fédéralisme qui est concise sans pour autant qu’elle néglige la profondeur et l’exhaustivité dans la présentation des aspects essentiels du fédéralisme. Ce livre renferme donc une couverture large du phénomène fédéral et de ses manifestations empiriques.

Sur la forme comme sur le fond, ce petit ouvrage réussit une habile description du fonctionnement du fédéralisme contemporain. En termes de présentation, le livre est divisé en chapitres eux-mêmes subdivisés en sections. Au début de chacune, une phrase en caractères gras résume le contenu à venir. Un survol de l’ouvrage en à peine quelques minutes est ainsi rendu possible et aisé. En termes de contenu, les dix chapitres du livre traitent de trois grands thèmes. Il y a tout d’abord une description de la diffusion spatiale du fédéralisme dans le monde et de son parcours historique (chapitres 1 et 2). Anderson se livre ensuite, dans les chapitres 3 à 8, à une présentation des éléments constitutifs du fédéralisme, notamment les entités fédérées, le partage des compétences dont les compétences fiscales, les institutions centrales ainsi que l’arbitrage des relations entre l’État fédéral et les entités fédérées. Enfin, le livre se clôt sur une discussion de la dualité entre unité et diversité qui caractérise le fédéralisme ainsi que sur les leçons à tirer de la comparaison des systèmes fédéraux (chapitres 9 et 10).

Fondamentalement ce livre offre une description à la fois succincte et profonde, car exhaustive, des caractéristiques fondamentales des États fédérés. Il est intéressant à cet égard qu’Anderson énonce dès le départ très clairement ce que sont pour lui les traits essentiels du fédéralisme : l’existence de deux ordres de gouvernements constitutionnellement établis, d’une constitution écrite, d’une certaine autonomie des ordres de gouvernements ainsi que la présence d’un arbitre ou d’une procédure permettant de régler les différends entre les ordres de gouvernement (p. 3-5). Autrement dit, les pays fédéraux partagent tous ce dénominateur commun. Cela étant établi, l’auteur souligne que dans leur fonctionnement quotidien les systèmes fédéraux dans le monde sont très divers. Par conséquent, si un système fédéral permet à un pays de garantir l’unité tout en accommodant la diversité, on retiendra de la dimension comparative présente à chaque page du livre d’Anderson que la dualité unité–diversité s’applique également à l’étude du phénomène fédéral lui-même. Ainsi, les pays disposant d’un système fédéral partagent des caractéristiques communes mais varient considérablement sur de nombreux autres facteurs. Tout au long de ce court ouvrage, George Anderson précise pour chacun des points abordés s’il s’agit d’un aspect généralement observé dans tous les États fédéraux, par exemple le fait que, « dans toutes les fédérations, le gouvernement central génère davantage de recettes qu’il n’engage de dépenses pour répondre à ses propres besoins » (p. 40) ou, au contraire, d’un point faisant l’objet d’une grande variation d’une fédération à l’autre, telle la répartition des compétences entre les ordres de gouvernement (p. 26-30). Le fait de recourir systématiquement à la comparaison et à l’établissement de points communs et de différences donne une valeur indéniable à cette contribution à l’étude du fédéralisme.

Le seul reproche que l’on puisse faire à ce petit livre est finalement le format retenu qui vise la concision. En toute rigueur, une personne intéressée par l’étude du fédéralisme ne pourrait se limiter à cette courte introduction. Mais, là encore, l’auteur se fait prévoyant et propose une liste de références complémentaires. Il renvoie notamment à la version française du livre de Ronald Watts, Comparaison des régimes fédéraux (Montréal, Presses universitaires McGill-Queen’s, 2002 [2e éd.], p. 96). Par conséquent, les connaisseurs du fédéralisme trouveront dans ce livre une mise à jour récente de l’état du phénomène à l’échelle mondiale, alors que les novices en études fédérales y découvriront une introduction leur donnant sans doute l’envie d’en savoir plus.