Recensions

Selfies et stars : politique et culture de la célébrité en France et en Amérique du Nord, de François Hourmant, Mireille Lalancette et Pierre Leroux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 201 p.[Record]

  • Boni Guy-Roland Kadio

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Avec la prolifération des réseaux socionumériques qui semble toucher l’intimité de nos actions ; le champ politique est aussi touché, il en est influencé, transformé et même enjoint à s’adapter à cette nouvelle réalité. Selfies et stars : Politique et culture de la célébrité en France et en Amérique du Nord vient mettre en lumière le phénomène de la célébrité dans le monde politique en contextes français et américain par l’entremise de personnalités politiques. Cet ouvrage se compose de trois grandes parties. Dans la première, intitulée « Renommée et célébrité de papier », Sidonie Verhaeghe aborde le thème de la célébrité « aux débuts de la IIIe République ». Pour elle, on ne peut dissocier, dans l’imaginaire collectif, la IIIe République et la « Commune de Paris ». Un nom apparaît, celui de Louise Michel, et c’est à travers cette femme politique et ses actions que l’auteure entend expliquer et exemplifier la célébrité dans le monde politique de cette époque. Ce cas vient, selon Verhaeghe, remettre en question la littérature traditionnelle qui attribuait un caractère électif à la popularité politique. En effet, la célébrité de cette « socialiste » est davantage une incarnation personnifiée de valeurs, d’aspirations et d’engagements d’un groupe. Cette « célébritisation » s’est renforcée, entre autres, par la publicisation de son procès en 1870, son altruisme et son engagement ouvrier. Christian Le Bart aborde ensuite la « fabrique des personnalités politiques » en discutant de l’évolution de la « célébrité procurée par la fonction » institutionnelle (p. 52). Il soutient qu’au début de la Ve République, celle-ci n’était plus un handicap mais plutôt une ressource aux fins politiques, bien qu’elle soit encore tributaire de « l’exemplarité et la loyauté » (p. 56). Toutefois, du fait même de la reconfiguration du champ politique et de l’ouverture imposée par la culture médiatique, on assiste à la fin de l’impersonnalité institutionnelle où dorénavant il y a une invocation de la célébrité personnalisée en attirant la lumière médiatique sur soi par « la dissidence institutionnelle », c’est-à-dire s’affranchir de loyauté traditionnelle au parti (Emmanuel Macron) et par « la distance au rôle » où l’exemplarité institutionnelle n’est plus un dogme et où le champ notionnel de l’émotion, de l’expressivité, est valorisé. Dans la deuxième partie, « Popularité et célébrité médiatique », Mireille Lalancette et Vincent Raynauld observent que notre contexte actuel est propice à la « célébrification de la politique ». En effet, les politiques empruntent aux codes et aux langages des réseaux socionumériques pour affiner leurs stratégies de communication politique en participant, par exemple, à des talk-shows ou en manipulant Twitter, Instagram et autres réseaux. De ce fait, les stars endossent des candidats politiques ou appellent aux dons pour ceux-ci. En comparant les appuis politiques des deux candidats à la présidentielle américaine de 2016, les auteurs constatent que la candidate démocrate Hillary Clinton a obtenu par exemple un plus grand nombre d’appuis de la part de célébrités hors du monde politique et dans la presse que Donald Trump. En revanche, au Canada, on note une implication politique moindre des célébrités en raison, semble-t-il, du système parlementaire. Se basant sur des données recueillies, les auteurs montrent que les célébrités du monde politique ont en majorité appuyé le candidat Justin Trudeau aux élections fédérales de 2015. Pour finir, les auteurs s’interrogent sur la représentation politique et le pouvoir de persuasion des stars dans l’arène politique. Nicolas Mary se penche sur le cas de la « starisation » dans la « presse magazine » à travers l’expérience politique de Rachida Dati, plus précisément dans trois types d’hebdomadaires dont elle a …