Recensions

À l’école des eurocrates. La genèse de la vocation européenne, de Sébastien Michon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Res Publica », 2019, 210 p.[Record]

  • Samuel Defacqz

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Dans son ouvrage À lécole des eurocrates. La genèse de la vocation européenne, Sébastien Michon – chercheur au CNRS, membre du laboratoire SAGE (Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe) à l’Université de Strasbourg – présente les résultats d’une enquête sur la formation des aspirant·e·s aux métiers de l’Europe politique. L’auteur remonte le fil des carrières d’un groupe large de professionnel·le·s de l’Europe qui comprend à la fois des agent·e·s des institutions de l’Union européenne (UE), des chargé·e·s de mission « Europe » de collectivités territoriales ou d’administrations nationales dans les États membres, du personnel de cabinets de relations publiques, d’entreprises, de fédérations professionnelles, d’associations, de syndicats, ou d’autres groupes d’intérêt qui traitent de politique européenne. L’ouvrage propose de retracer les trajectoires sociales et professionnelles des personnes qui se destinent à ces carrières liées à l’UE lors de leurs études et qui occuperont, ou non, ces postes à l’issue de leur parcours universitaire. L’ambition de l’auteur est d’identifier les éléments qui poussent certaines personnes à investir les masters en affaires européennes en s’appuyant sur des acquis d’analyses néo-fonctionnalistes, constructivistes et de sociologie politique. L’ouvrage propose notamment d’examiner comment le soutien à l’intégration européenne peut agir comme moteur des trajectoires sociales et professionnelles ou comment les étapes de pré-socialisation jouent un rôle dans ces trajectoires. L’objectif est d’identifier les processus socialisateurs aux métiers de l’Europe, c’est-à-dire les cheminements au cours desquels les individus acquièrent des façons de faire, de penser et d’être. Michon expose dans l’introduction le paradoxe qui l’a amené à entamer son projet de recherche : alors que l’UE traverse une crise, l’attrait des métiers de l’Europe reste important. À travers les sept chapitres de l’ouvrage, il vise à dénouer ce paradoxe en développant une analyse des trajectoires de formation des personnes qui investissent les métiers de l’Europe. Il aborde les éléments de la socialisation à l’Europe de ces professionnel·le·s avant leur entrée dans la « Brussels Bubble ». Son enquête s’appuie sur l’analyse d’un assemblage de divers matériels empiriques qui rassemblent notamment des dossiers de candidature, des observations, des entretiens et des réponses à des questionnaires d’étudiant·e·s en cours d’étude ou d’ancien·ne·s étudiant·e·s, formé·e·s en France. Les trois premiers chapitres brossent le portrait des personnes qui s’orientent vers les masters en affaires européennes. Il discute des dispositions sociales de ces personnes et notamment de la dimension internationale de leur parcours. Ces chapitres s’appuient sur un questionnaire diffusé auprès des étudiant·e·s de plusieurs masters en affaires européennes (N=403) et d’un autre diffusé parmi la cohorte 2015-2016 du master en politiques européennes et affaires publiques (PEAP) dispensé à l’Institut d’études politiques (IEP) de Strasbourg (N=61). D’abord, on peut noter que plus de deux tiers des répondants sont des femmes. Les aspirant·e·s aux métiers de l’Europe viennent en grande majorité des catégories sociales supérieures dotées en capital culturel et sont également particulièrement ouvert·e·s à des carrières qui peuvent les amener à circuler entre le secteur public et le secteur privé. Enfin, il·elle·s comptent parmi les plus internationalisé·e·s comparativement à l’ensemble de leurs collègues français·es. En ce qui concerne leurs pratiques culturelles, les candidat·e·s aux métiers de l’UE peuvent être qualifié·e·s d’« éclectiques distinctifs ». Alors que leur consommation culturelle est diversifiée, ouverte sur l’Europe et l’international, il·elle·s disent se démarquer des choix du « grand public ». Du côté de leurs rapports à la politique et à l’engagement, ces personnes pratiquent des activités qui comportent une dimension militante, même si elles se tiennent à distance du jeu politique national, des mobilisations collectives politisées et des partis. Modérés, adeptes des compromis et des positions progressistes (ils sont majoritairement plus de gauche), les …