Recensions

Droitisation et populisme : Canada, Québec, États-Unis, de Frédéric Boily, Québec, Presses de l’Université Laval, 2020, 203 p.[Record]

  • Christophe Cloutier-Roy

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Professeur au campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, le politologue Frédéric Boily est un expert reconnu des droites canadiennes. Paru aux Presses de l’Université Laval, son ouvrage Droitisation et populisme : Canada, Québec, États-Unis est une contribution que sauront apprécier ceux et celles qui souhaitent mieux comprendre l’essor récent du populisme de droite dans notre coin du monde. Dans son introduction, le politologue décrit la victoire de Donald Trump en 2016 comme un « moment significatif dans l’évolution de la droite occidentale » (p. 2). D’où cette question qui sous-tend l’ensemble de son livre : « Assiste-t-on […] à une irrésistible “droitisation” […] ou à une “populisation” de la vie politique occidentale dont Trump serait l’aboutissement ? » (p. 3-4). L’ouvrage se décline en cinq chapitres thématiques. Le chapitre 1 sert à répondre à la question : « À quel point peut-on parler d’un retour de la droite et d’une droitisation ? » (p. 12). Selon Boily, « au-delà de son caractère d’évidence la thèse de la droitisation n’a pas la clarté que l’on pourrait croire » (p. 17). Une des idées phares du chapitre est qu’on a observé au moins deux périodes de droitisation distinctes au cours des dernières décennies. La première droitisation va grosso modo du début des années 1980 jusqu’à la grande récession de 2008-2009. Principalement d’ordre économique, elle se caractérise par son rejet de l’État et du keynésianisme (p. 40). Principalement culturelle, la seconde droitisation débute en 2008 et se caractérise notamment par le retour du nationalisme ethnoculturel (p. 50). Dans le chapitre 2, Boily se demande à quel point on assiste sous Trump à une « populisation » de la vie politique aux États-Unis. Pour ce faire, il revisite les écrits de l’historien Richard Hofstadter [1916-1970] qui a étudié le populisme américain dans ses ouvrages The Age of Reform (1955) et The Paranoid Style in American Politics (1965). En montrant la présence continuelle du populisme dans l’expérience historique américaine, Hofstadter contribue à dé-singulariser le « phénomène Trump » (p. 56). Il n’en demeure pas moins qu’un débat persiste quant à savoir si Trump est réellement un populiste dans la tradition américaine. Boily pose les termes du débat en opposant la figure de Donald Trump à celle de Bernie Sanders, le sénateur du Vermont campé à gauche et candidat lors des primaires présidentielles démocrates de 2016 et de 2020. Le contraste entre les mouvements incarnés par ces deux hommes amène la nécessité de distinguer un populisme identitaire (Trump) d’un populisme protestataire (Sanders), le premier associé à la droite et le second à la gauche (p. 59). Boily conclut son chapitre en affirmant que le populisme américain est une « [c]onstante de la démocratie américaine [à laquelle il se greffe] de manière ambigüe à droite et à gauche » (p. 85). Délaissant les États-Unis pour le Canada, le chapitre 3 porte sur l’existence du populisme au nord du 45e parallèle. Boily souligne d’entrée de jeu que le Canada est souvent perçu comme « un havre de paix démocratique, bien à l’abri de la “contagion populiste” qui se répand ailleurs ». Or, il s’agit d’une erreur d’appréciation qui résulterait notamment d’une conception du populisme qui associe cette tendance exclusivement au radicalisme et au racisme (p. 89). Rappelant que le populisme est d’abord un style politique avant d’être une idéologie (p. 91-92), l’auteur montre que l’ancien premier ministre progressiste-conservateur John Diefenbaker, le chef créditiste Réal Caouette et le Reform Party ont tour à tour incarné un certain populisme à Ottawa. Encore aujourd’hui, le style populiste est bien présent dans la capitale fédérale, et ce, autant au Parti conservateur …