Abstracts
Résumé
Cet article propose de reconsidérer l’oeuvre de l’artiste contemporain américain Andres Serrano, notamment de sa série d’épreuves chromogéniques datant de 1992 et intitulée The Morgue qui expose un groupe de cadavres photographiés dans une morgue réelle. Je parle de reconsidérer l’oeuvre de Serrano parce que la série en question a déjà fait l’objet de plusieurs études. Cependant, les discours critiques à propos de cette série ne se sont jamais penchés sur les conséquences de cette invasion de la vie privée pour les morts. Dans cet article, j’explore la manière dont Serrano manifeste sa prise de conscience face à la vulnérabilité des morts, non pas en abordant l’éthique de ses choix, mais en examinant comment cette réification des corps perpétue néanmoins une forme de subjectivité posthume, question rarement abordée dans les domaines de l’histoire de l’art et de la théorie culturelle. L’encadrement et la mise au point, les titres, les choix esthétiques, la fragmentation des corps (qui tantôt dissimule, tantôt privilégie le visage), ainsi que le caractère d’infraction d’une intervention faite à la dérobée en milieu mortuaire : tous ces éléments affectent les types d’identité qui émanent de la spécificité des sexes et de connotations diverses accordant à la pathologie et à la criminalité une part significative. La capacité d’agir de Serrano se révèle indirectement dans ses travaux, lorsque l’artiste transgresse l’ordre du pouvoir généralement accordé aux vivants et retiré aux morts (effet de présence des corps, capacité de contact, d’accès visuel). En étendant aux morts une notion de subjectivité qui emprunte à la pensée de Judith Butler, je démontrerai que les cadavres de Serrano restent intensément vulnérables à la violence qu’implique toute représentation.
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