Abstracts
Résumé
Cet article propose une étude critique du film The Far Shore (1976) et du livre d’artiste True Patriot Love (1971), tous deux l’oeuvre de l’artiste et réalisatrice canadienne Joyce Wieland, en s’intéressant particulièrement aux façons dont elle a imaginé et visualisé les cultures et les identités autochtones au Canada. Je replace d’abord dans son contexte la construction artistique de l’indianité opérée par Wieland, en rapportant celle-ci aux stratégies suivies par le gouvernement fédéral canadien, sous la direction de Pierre Trudeau, pour redéfinir l’identité autochtone tout au long des années 1960 et au début des années 1970 au moyen de nouvelles politiques sur la citoyenneté et sur l’appartenance culturelle, entre autres par The White Paper on Indian Policy qui fut rédigé en 1969. Une partie des raisons pour lesquelles Wieland a été tentée d’explorer dans son travail le thème de l’indianité pourraient résider selon moi dans le fait que l’identité autochtone était à cette époque une question largement débattue, non seulement au sein du gouvernement fédéral mais aussi dans la plupart des principaux médias canadiens. Enfin, mon examen de l’implication personnelle de Wieland et du soutien qu’elle a apporté à diverses causes politiques autochtones me pousse à affirmer que, même si cette artiste avait une conscience aiguë des traces que laissait l’histoire de la colonisation sur les peuples autochtones, la manière artistique qu’elle a adoptée pour traduire sa solidarité dans son oeuvre n’est pas exempte de préjugés, de stéréotypes ni de constructions colonialistes. Que ce soit dans sa production filmique ou artistique en général, Wieland a eu tendance à idéaliser l’identité autochtone et à positionner les cultures autochtones comme extérieures au monde capitaliste moderne. Il y a entre l’appui personnel qu’elle a apporté aux causes autochtones contemporaines et ce qui ressort de sa production artistique une déconnexion qui s’avère selon moi particulièrement intéressante à étudier.