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À une époque où les Amérindiens sont de nouveau préoccupés par la question de leur identité nationale, la préservation de leurs traditions devient de plus en plus importante. Ce n’est pas surprenant, alors, que la cinquième oeuvre de Joseph Marshall III s’ouvre sur un hommage aux Anciens et aux Anciennes de la nation lakota, « Grands-pères et grands-mères [qui] étaient les gardiens de tous ces récits merveilleux que les anciens des générations précédentes leur avaient racontés » (p. 10). Le recueil comprend en premier lieu la transcription d’une variété de mythes et de légendes que l’auteur a recueillis dans sa tradition orale. Aux récits oraux qui forment l’essentiel de l’ouvrage, Marshall ajoute des souvenirs personnels, des récits historiques, des réflexions évocatrices ainsi qu’un épilogue qui met en relief la diversité des nations autochtones d’Amérique du Nord.

Les divers textes sont rassemblés en douze chapitres illustrant ce que Marshall désigne comme étant les vertus cardinales des Lakotas, telles que l’humilité, la persévérance, le respect et la bravoure, pour n’en nommer que quelques-unes. Tandis que Marshall a réussi à rédiger un ouvrage assez original, son principal mérite est dans les transcriptions des récits oraux. Celles-ci démontrent non seulement la richesse d’une tradition orale, mais elles représentent aussi la récupération et la préservation d’une culture qui risque toujours d’être perdue au fil du temps.

Les transcriptions comprennent, en premier lieu, plusieurs histoires d’origine. Conformément aux modèles mythologiques – ce qui est bien souligné dans le titre de la version française –, ces récits correspondent souvent aux notions cycliques de la vie qui ordonnent que les individus aussi bien que les communautés doivent subir une désagrégation afin de se reconstituer. « L’histoire de l’aigle », pour donner un exemple, explique comment le peuple lakota a pu se récréer après une apocalypse. À l’issue d’une inondation, une seule jeune femme survit grâce à la compassion d’un aigle qui la nourrit et la protège contre les éléments. Après un temps, la vie se rétablit sur la terre, mais la jeune femme est toujours seule. Pour éviter d’abord la fin inévitable de l’humanité, l’aigle prend la décision de renoncer à sa vie d’aigle pour se reconstituer en tant qu’humain. À la fin de l’histoire, le couple conçoit plusieurs enfants qui deviennent par la suite la nouvelle race des Lakotas.

L’équilibre de la cosmogonie cyclique est aussi reflété dans des légendes qui servent à illustrer les coutumes traditionnelles. Quelques-unes mettent en valeur le rite de passage, un procédé par lequel un jeune homme réussit, par l’entreprise d’une épreuve, à abandonner sa vie d’enfance pour se reconstituer en tant qu’homme. Dans « L’histoire du Défenseur » par exemple, un jeune néophyte nommé Hoka doit se défendre contre un ours lorsqu’il est chargé de la responsabilité de garder un camp de chasse. À la suite de cet exploit, Hoka devient un homme de grande valeur qu’on renomme Naicinji, le Défenseur.

Tandis que les histoires traditionnelles font partie d’une mythologie servant la double fonction d’expliquer les origines et de ratifier les coutumes lakotas, Marshall insiste sur leur signification parabolique. Les divers récits font d’ailleurs partie, avec les discours qui les accompagnent, d’un enseignement moral soulignant les attributs proverbiaux de bon sens et de vigueur. « L’histoire de l’aigle » est d’abord présentée en tant que modèle exemplifiant l’importance de la compassion, et « L’histoire du Défenseur » sert à illustrer les mérites de la bravoure.

Malgré le fait que le didactisme de Marshall s’avère parfois enfantin, la juxtaposition des divers textes réussit à pourvoir les récits traditionnels d’une signification contemporaine et populaire sans diminuer leur richesse culturelle ni leur importance anthropologique.