Dossier « Kanesatake/Oka : vingt ans après »

Seigneurie du Lac-des-Deux-MontagnesOù en sont rendues les négociations?[Record]

  • Pierre Trudel

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  • Pierre Trudel
    Cégep du Vieux Montréal et Université du Québec à Montréal,
    Montréal

En janvier 2010, des Mohawks de Kanesatake ont empêché des travailleurs de la compagnie Norfolk d’entreprendre des travaux d’entretien d’arbres sur un terrain situé en face de l’endroit où, vingt ans plus tôt, s’était produite la crise d’Oka. Norfolk a annoncé qu’en juin 2010, soit quelques jours avant la commémoration de la crise d’Oka, il allait abattre des arbres sur sa propriété de 2,3 acres, la subdiviser en trois terrains et vendre ces terrains afin que de nouveaux propriétaires puissent y construire leurs résidences. Selon Steve Bonspiel, de l’hebdomadaire Eastern Door (vol. 19, nº2 : 2), la compagnie espère ainsi réaliser des profits de 150 000 $ en vendant 350 000 $ ce qu’elle a acheté récemment pour 200 000 $. Dans un communiqué de presse émis le 25 janvier 2010, le Conseil mohawk de Kanesatake demande au ministère des Affaires indiennes et du Nord de procéder à l’achat de ce terrain afin de continuer d’unifier la base territoriale de Kanesatake. Le Conseil rappelle que le Ministère s’est engagé à continuer l’achat de terres lors d’ententes signées en 1991 et en 1994, ententes que le Conseil a rendues publiques à l’occasion de cette conférence de presse. Contrairement à 1990, le maire d’Oka affirme entretenir d’excellentes relations avec le Conseil mohawk et s’oppose lui aussi au développement domiciliaire. Le maire demande au gouvernement fédéral d’acheter les terres de la compagnie Norfolk. En 1990, le ministre des Affaires autochtones du Québec, John Ciaccia, avait également demandé au gouvernement fédéral d’acheter les terres afin d’empêcher un autre développement. À l’époque, il s’agissait d’un développement beaucoup plus important qui consistait à agrandir un terrain de golf et à construire soixante habitations. Le ministre fédéral a déclaré ne pas avoir l’intention d’acheter les terres que la compagnie Norfolk possède malgré le fait que cette compagnie est disposée à les vendre au gouvernement fédéral. Selon un journaliste qui a consulté une représentante du ministère des Affaires indiennes, Mme Geneviève Guibert, si le promoteur a des problèmes pour exploiter son terrain comme il l’entend, « il devrait rapporter la situation aux autorités policières compétentes » (Marc Pigeon, Le Journal de Montréal, 22 janvier 2010). Cette position du Ministère est en étroite relation avec les critères établis pour les « revendications particulières ». Ainsi, seules des indemnisations financières ou en terres équivalentes sont prévues dans ce type d’entente ; il est également précisé dans cette politique que le gouvernement fédéral ne dépossèdera personne de sa propriété. Lors de sa conférence de presse du 25 janvier 2010, le Conseil mohawk de Kanesatake a rendu publique la correspondance entre le Conseil et le Ministère qui nous permet de donner un aperçu de l’état du dossier des revendications sur la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, revendications plusieurs fois centenaires et qui se trouvent à l’origine de la crise d’Oka de 1990. Dans une lettre adressée au Conseil mohawk de Kanesatake, le 14 avril 2008, le ministre des Affaires indiennes et du Nord annonce qu’il accepte que les revendications des Mohawks relatives à la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes deviennent une « revendication particulière ». Jusqu’à cette date, le Ministère refusait de classer la revendication des Mohawks de Kanesatake dans cette catégorie. Il l’avait fait expressément en 1986 (à ce sujet, voir les textes de Pierre Lepage et de Josiane Loiselle-Boudreau dans ce numéro). Cette nouvelle position de la part du Ministère s’appuie sur un rapport préparé par Joan Holmes et Associés, en octobre 1999, et sur une analyse juridique produite le 15 novembre 2006 par la firme Hutchins, Caron et Associés. Le Conseil mohawk de Kanesatake a répondu au sous-ministre le 30 avril …

Appendices