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Le projet de loi C-3 ou le mythe d’une loi non discriminatrice[Record]

  • Sakina Masmoudi

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  • Sakina Masmoudi
    Candidate à la maîtrise en droit international et politique internationale
    Université du Québec à Montréal

Le projet de loi C-3, déposé à la Chambre des Communes le 11 mars 2010, fait suite à l’arrêt McIvor du 6 avril 2009 de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (CACB). Ce jugement déclare que les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription et à la transmission du statut d’Indien contreviennent à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Plus précisément, le jugement vise l’article 6 de la Loi sur les Indiens auquel des amendements ont été apportés en 1985 par le projet de loi C-31. À l’époque, de nombreuses voix avaient déploré les discriminations résiduelles de ce projet de loi. Vingt-cinq ans plus tard, le Parlement du Canada se penche enfin sur ces discriminations, s’évertuant à apporter des corrections bien tardives et insuffisantes. Depuis 1985, Sharon McIvor dénonce la discrimination, fondée sur le sexe et l’état matrimonial, relativement à l’inscription et à la transmission du statut d’Indien. En juin 2007, la Cour suprême de la Colombie-Britannique (CSCB) décla­rait l’article 6 de la Loi sur les Indiens inopérant et inconstitutionnel puisqu’« il autorise une diffé­rence de traitement entre les hommes Indiens et les femmes Indiennes nés avant 1985 et les descendants matrilinéaires et patrilinéaires nés avant le 17 avril 1985, dans l’attribution de statut » (McIvor v. The Registrar, Indian and Northern Affairs Canada, 2007). La Cour a alors rendu une ordonnance accordant des droits d’inscription égaux, ainsi qu’une capacité égale de transmettre le statut à toutes les femmes inscrites en vertu de l'alinéa 6(1)c) et à tous leurs descendants nés avant le 17 avril 1985 (ibid.). Le gouvernement du Canada a interjeté appel de cette décision, à la suite de quoi la CACB a émis un jugement plus restrictif que celui de la CSCB (FAQ 2009 : 4). Pour la Cour d’appel, les alinéas 6(1)a) et 6(1)c) de la Loi sur les Indiens ne contreviennent à la Charte que dans la mesure où ils ont accordé un statut renforcé aux descendants patrilinéaires ayant perdu leur statut à 21 ans en vertu de la règle « mère grand-mère » et qui ont été réinscrits en 1985 (McIvor v. Canada [Registrar of Indian and Northern Affairs], 2009). Datant de 1951, cette règle faisait que les petits-enfants d’un Indien qui avait épousé une femme non inscrite, et dont le père avait également épousé une non-inscrite, perdaient à 21 ans leur statut d’Indien. Les femmes qui se mariaient avec un Indien non inscrit perdaient à l’époque leur statut, ainsi que leur descendance. En 1985, le projet de loi C-31 a redonné le statut d’Indien aux descendants patrilinéaires des Indiens qui s’étaient mariés avec des femmes non inscrites sur deux générations et qui l’avaient perdu à l’âge de 21 ans. Ces derniers ont été réinscrits en vertu du paragraphe 6(1) et pouvaient transmettre le statut de 6(1) s’ils épousaient un inscrit ou le statut de 6(2) s’ils épousaient un(e) non-inscrit(e). Le projet de loi avait aussi permis de réinscrire les femmes qui avaient perdu leur statut à cause d’un mariage avec un non-inscrit. Les descendants matrilinéaires avaient été réinscrits en vertu du paragraphe 6(2) et ne pouvaient transmettre leur statut dans les cas de mariage avec un(e) non-inscrit(e). Le projet de loi C-3 a reçu la sanction royale le 15 décembre 2010. Suivant une démarche pragmatique, les modifications législatives proposées par le gouvernement fédéral répondent strictement à la décision judiciaire et évitent soigneusement d’aborder d’autres aspects discriminatoires de la Loi, jugés trop complexes (AINC 2010 : 2). La principale modification du projet de loi accorderait un droit …

Appendices