Comptes rendus

Pierre Beaucage, Corps, cosmos et environ­ne­ment chez les Nahuas de la Sierra Norte de Puebla : une aventure en anthropologie, Éditions LUX-Humanités, Montréal, 2009, 420 p.[Record]

  • Benoit Éthier

…more information

L’ouvrage Corps, cosmos et environnement chez les Nahuas de la Sierra Norte de Puebla (2009) est le fruit d’une collaboration – une aventure anthropologique et humaine – de plus de trente ans entre ­l’anthropologue Pierre Beaucage et des membres de communautés et d’orga­nisations nahuas de la région de Puebla au Mexique. D’entrée de jeu, le style d’écriture utilisé par ­l’auteur, mêlant narration, auto­biographie et analyse descriptive, entraîne le lecteur vers une nouvelle forme d’ethnographie, celle où ­l’anthropologue ne s’éclipse plus derrière ses données, mais où son cheminement personnel et ses inter­actions avec ses interlocuteurs occupent une place capitale. L’apprentissage de la langue et le développement des rapports de familiarité et de confiance avec des individus, des familles et des organisations nahuas ont permis à l’anthropologue de réaliser des découvertes qu’il n’aurait sans doute pas anticipées trente ans plus tôt. Notons, par exemple, celles qui se rapportent à la taxonomie nahua liée à la faune et à la flore. Ces études qui ont été menées à partir de préoccupations et de désirs localement exprimés et qui ont été ­réalisées conjointement avec une organisation nahua, le Taller de Tradición Oral, ont permis à l’auteur de connaître et de partager avec nous un nombre important d’éléments et de facettes faisant partie de la cosmologie locale : les représentations collectives du monde et la sociabilité nahuas. L’auteur entraîne d’abord les ­lecteurs au coeur de son terrain, chez les Nahuas de la Sierra Norte dans l’État de Puebla au Mexique. Des­cendants des Aztèques et aujourd’hui établis dans les États du centre et de l’est du Mexique (Puebla, Veracruz, Hidalgo, San Luis Potosi, Guerrero), les Nahuas constituent le plus grand peuple autochtone du Mexique, comprenant, en l’an 2000, près d’un million et demi de ­personnes. Ces populations sédentaires et se prêtant à l’élevage et à l’horticulture maraîchère depuis plus de quatre mille ans ont dû subir, au courant des derniers siècles, une histoire de colonisation, d’expro­priation foncière et d’exclusion sociale et politique. L’étalement de la religion catholique et de la modernité a certainement rejoint les communautés nahuas les plus isolées. Ces dernières ont défini et continuent à redéfinir leur sociabilité et leur rapport au monde en conjuguant des éléments issus de la tradition et de la modernité. En plus de nous offrir une perspective ethnohistorique fortement documentée, la trentaine d’années d’expériences et les contacts récurrents entre Pierre Beaucage et les membres des communautés nahuas de la région de Puebla offrent justement cette démonstration in situ des capacités novatrices et des formes de résistance dont fait preuve la population locale. À l’instar de plusieurs groupes autochtones des Amériques et d’ailleurs dans le monde, les Nahuas se sont approprié certains instruments coloniaux (langue, édu­ca­tion, système politique et législatif) imposés par la société dominante afin de faire entendre leur voix et de revendiquer leurs droits. Ils ont mis sur pied diverses associations et institutions, dont le Tosepan Titataniske, le Taller de Tradición Oral et le Grupo Youalxochit. Ils participent au mouvement pan-autochtone d’affir­mation culturelle et identitaire. L’ouvrage Corps, cosmos et environnement et l’ensemble des études issues de la longue collaboration entre Pierre Beaucage et le Taller de Tradición Oral s’inscrivent dans cet esprit de (re)valorisation des savoirs autochtones et de transformation des rapports politiques et interethniques : Progressivement, les Nahuas voient leurs rapports à la société dominante et à l’État mexicain se transformer. Ils deviennent de plus en plus présents sur la scène politique régionale et nationale et intègrent même, à diverses occasions, certaines sphères de pouvoir reconnues par les instances gouverne­mentales. La réappropriation et la valorisation par les autochtones de leurs connaissances, de leurs pratiques et de leur …

Appendices