Comptes rendus

Disrobing the Aboriginal Industry. The Deception Behind Indigenous Cultural Preservation, Frances Widdowson et Albert Howard. McGill-Queen’s University Press, Montréal et Kingston, 2008, 330 p.[Record]

  • Paul Charest

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  • Paul Charest
    Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (Ciéra), Université Laval

Pour un compte rendu du livre de Tom Flanagan par Paul Charest, voir Recherches amérindiennes au Québec XXXIII(2), 2003 : 136-138. [NDLR]

Pour un compte rendu du livre de Tom Flanagan par Paul Charest, voir Recherches amérindiennes au Québec XXXIII(2), 2003 : 136-138. [NDLR]

Ce livre est une charge à fond de train d’abord contre les défenseurs (advocates) des droits des autochtones et aussi contre les leaders autochtones, mais surtout contre les cultures autochtones. Ce que les auteurs appellent l’« industrie autochtone », c’est le travail que font aujourd’hui surtout des consultants – essentiellement des avocats et des anthropologues – auprès des organismes et communautés autochtones afin de les aider à obtenir des fonds pour financer différents programmes et services. Ainsi, des sommes énormes d’argent seraient versées par les gouvernements – principalement le gouvernement fédéral – à peu près sans résultats positifs pour les personnes directement concernées, les « pauvres » autochtones, mais essentiellement au profit de leurs défenseurs et de leurs leaders. La « thèse » des auteurs à ce sujet peut se résumer dans la phrase suivante : « The legal and “culturally sensitive” bureaucratic solutions to aboriginal problems the Industry proposes continue to keep natives isolated and dependent, justifying demands for more funding and programs for the Aboriginal Industry. » (p. 9) Plus que les avocats, à peu près jamais cités, ce sont surtout les anthropologues et autres défenseurs des droits des autochtones qui servent de têtes de Turc à Widdowson et Howard, qui démontrent une certaine connaissance de nombreux auteurs classiques (Boas, Jenness, Radcliffe-Brown, Mead, Lévi-Strauss, Sahlins, etc.) ou de ceux qui travaillent avec des groupes autochtones du Canada (Brody, Feit, Nasdady, Usher, Waldran, Weinstein, etc.). Mais ils semblent n'avoir aucune notion de l’anthropologie appliquée, se référant plutôt à une mystique de la « vraie science » neutre et objective qui devrait dénoncer les leaders autochtones et les abus de toutes sortes plutôt que de les couvrir et de les excuser sous le couvert de la conservation de la culture traditionnelle. Fréquemment les auteurs font référence aux accusations de racisme dont seraient victimes ceux qui, comme eux, osent dénoncer des situations et des comportements jugés inacceptables et que l’on retrouverait vraisemblablement partout en milieu autochtone. Les informations fournies en quatrième de couverture sur les deux auteurs nous apprennent très peu sur leurs compétences respectives. Frances Widdowson est professeure au département des études politiques (policy) du Mount Royal College (de Calgary, non indiqué). Albert Howard a été « consultant pour le gouvernement [lequel ?] et des groupes autochtones et vit actuellement à Calgary ». Selon leur dire, ils ont une expérience de quinze ans dans « l’observation des politiques autochtones » (p. 254). On en apprend davantage si on cherche sur Google. Widdowson est une spécialiste de l’analyse des politiques concernant les autochtones, et Howard est un enseignant spécialisé en audiovisuel qui a enseigné à l’Arctic College et dans le système scolaire de Yellowknife. Il semble bien que leur expérience directe de la réalité autochtone concerne uniquement les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. Mais leur livre est une analyse destructrice des politiques concernant, en principe, tous les autochtones du Canada, et de la persistance (preservation) de leurs cultures traditionnelles qui empêcherait (partout et en tout lieu ?) leur développement et leur entrée dans le monde moderne (sous entendu eurocanadien). Le matérialisme historique (ou marxisme) est le cadre théorique d’analyse adopté par les auteurs, bien que ceux-ci ne s’attardent pas beaucoup à l’expliquer, pas plus qu'ils ne s'intéressent – encore moins – à la méthodologie qui pourrait en découler. On se souviendra qu’il était à la mode dans les années 1970-1980 mais qu’il a laissé la place au courant postmoderniste que les auteurs ne manquent pas de critiquer de façon virulente dans plusieurs passages de leur livre. De fait, la seule référence un peu détaillée à …