Comptes rendus

Jon Parmenter, The Edge of the Woods. Iroquoia, 1534-1701. Michigan State University Press. East Lansing, 2010, 520 p.[Record]

  • Karim M. Tiro

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  • Karim M. Tiro
    Xavier University (Histoire), Cincinnati, Ohio, USA

Selon Jon Parmenter, l’histoire des Iroquois est, littéralement, une histoire mouvementée. En utilisant les prismes de la mobilité et de l’espace, Parmenter offre une réinterprétation importante des relations entre les Iroquois et leurs voisins entre 1534 et 1701. Les Iroquois se sont adaptés à l’arrivée des Européens (et à leurs épidémies et à leurs biens) en resserrant leurs liens et en entreprenant des « initiatives spatiales » pour élargir leur zone d’action diplomatique, militaire et économique. Le titre de cet ouvrage, « l’orée des bois », fait référence à une partie de la cérémonie iroquoise des condoléances. Ce rite consistait en une métaphore au moyen de laquelle les Iroquois restructuraient leur monde. Quand les endeuillés arrivaient à l’orée des bois, la forêt à l’état naturel qui entourait les villages, on les accueillait et on leur présentait une adresse rituelle avant de les escorter à l'intérieur. Ce rite les marquait comme appartenant au même peuple que leurs hôtes et apaisait les endeuillés au moment d’être admis dans le village. Bien sûr, les chercheurs ont déjà compris l’importance de la cérémonie des condoléances. L’anthropologue William Fenton, considéré par plusieurs comme « le doyen des études iroquoises » avant son décès en 2005, l’a identifiée comme structure fondamentale de la pensée iroquoise. Cependant, Parmenter n’est pas d’accord avec l’interprétation de l’histoire iroquoise avancée par Fenton, parmi d’autres, qui décrit cette période comme étant caractérisée par une perte de contrôle sur leur destin. Selon Parmenter, c’était une époque de deuil chez les Iroquois, mais aussi de renforcement idéologique et d’élargissement des horizons. Les Iroquois ont utilisé le rituel des condoléances afin de faire des étrangers des membres de la famille et il a repoussé de plus en plus loin l’orée de leurs bois. Parmenter enrichit cette lecture de documents tirés de rapports de fouilles archéologiques et des traditions orales. L’histoire qu’il raconte est surtout une histoire politique, militaire et diplomatique ; les affaires des marchands et des prêtres n’y reçoivent pas beaucoup d’attention. Parmenter commence son récit avec l’arrivée de Cartier, puis nous offre une nouvelle explication de ce qui est arrivé aux Iroquois laurentiens. Selon lui, les Iroquois laurentiens étaient fortement convoités pour l’adoption, tant par les Cinq Nations que par les Wendats, les Algonquins, les Abénaquis et les Montagnais, en raison de leurs connaissances linguistiques et géographiques. Les Iroquois laurentiens ont subi plusieurs raids qui les ont dispersés. En même temps, à cause de changements dans les routes de la traite partout dans le Nord-Est, plusieurs nations avoisinantes des Cinq Nations se sont éloignées d’elles. Il s’ensuivit une ère de consolidation entre les Cinq Nations, marquée par l’accroissement des collaborations sur les plans militaire et diplomatique ainsi que de la liberté de circulation de biens et de personnes entre ces différentes nations. Le résultat, selon Parmenter, fut une nouvelle conscience spatiale chez les Iroquois : la maison longue a commencé à s’incarner de manière concrète. Bien que Parmenter ne nie pas le traumatisme résultant des épidémies, il préfère se concentrer sur la réaction des Cinq Nations, qu’il trouve très efficace. Frappées par la variole vers 1635, ces dernières ont cherché à compenser les pertes en leurs rangs en menant des « guerres de deuil » contre d’autres nations, particulièrement les Wendats. Les Cinq Nations prenaient des prisonniers afin de rétablir leur population, préférant toujours les captifs adoptés capables de contribuer à leur connaissance du territoire et des peuples qui les entouraient. Le désir de fourrures et la soif de sang n’étaient donc pas ce qui motivait les Iroquois à entreprendre ces expéditions. Avant 1665, les Cinq Nations ont considérablement élargi leur champ …