Comptes rendus

Property and Dispossession: Natives, Empires and Land in Early Modern North America, Allan Greer. Cambridge University Press, Cambridge, 2018, 464 p.[Record]

  • Brian Gettler

…more information

  • Brian Gettler
    Département d’histoire, Université de Toronto

Livre très ambitieux, à la croisée de plusieurs études, surtout des xvie et xviie siècles, sur la Nouvelle-Angleterre, la Nouvelle-France et la Nouvelle-Espagne, Property and Dispossession d’Allan Greer contribuera de manière significative au renouveau de l’histoire coloniale. Allan Greer met en dialogue des phénomènes qui sont le plus souvent vus en vase clos, que ce soit par la tendance de l’historiographie à respecter les frontières nationales actuelles ou à proposer des projets moins osés. Si son projet de départ peut sembler gigantesque, il le rend faisable en tirant la plupart de ses données des études publiées, appelant en renfort les sources manuscrites et imprimées à nombreuses reprises. Cette approche lui permet de souligner de nombreuses idées reçues qui méritent d’être remises en question ou même complètement abandonnées. Parmi celles-ci, la propriété terrienne en tant que chose simple et unitaire, importée telle quelle de l’Europe, occupe le premier rang. Greer démontre de manière tout à fait convaincante que cette idée ne correspond aucunement à l’histoire de la propriété dans les Amériques, et son livre servira sans doute de point de départ pour de nombreuses études portant sur le colonialisme, la souveraineté, la dépossession territoriale, la société coloniale et les peuples autochtones. Greer propose une analyse qui, en ce qui concerne les autochtones, se concentre sur trois groupes, le territoire de chacun se trouvant dans une des colonies à l’étude : les « Ninnimissinuok » (terme synthétique qui réfère aux nations du sud de la Nouvelle-Angleterre telles que les Narragansetts, les Massachusetts et les Wampanoags), les Innus de la région de Québec et de la Côte-Nord, ainsi que les Nahuas du Mexique central. Ces peuples, qui se font éclipser par d’autres acteurs à plusieurs reprises pendant le texte, ne forment toutefois pas le coeur véritable de l’analyse, qui se penche davantage sur ce que Greer appelle la « formation de la propriété » coloniale. Tout au long du livre, il insiste sur l’hétérogénéité et les multiples dimensions de la propriété terrienne, soulignant à quel point l’idée courante, née des Lumières, selon laquelle la propriété est unitaire ne correspond pas aux pratiques du xvie et du xviie siècle. La propriété, que l’on reconnaît ou non, est profondément encastrée dans des relations sociales précises, et c’est surtout en ce sens que Greer s’intéresse aux Premières Nations. Il cherche à décortiquer les systèmes fonciers autochtones et coloniaux et à tracer leurs effets à la fois sur l’évolution de la propriété privée et de la souveraineté ainsi que sur les sociétés autochtones et euroaméricaines. Le livre se divise en onze chapitres. Le premier fait un tour, somme toute assez général, des questions de propriété et de colonisation et dresse la carte de route pour ce qui suit. Le chapitre 2 propose une analyse des idées et des pratiques autochtones en matière de propriété, remontant autant que possible à l’ère précolombienne. Le troisième chapitre, quant à lui, trace les contacts initiaux, proposant une lecture des tout débuts du processus de formation de la propriété coloniale. Les chapitres 4 à 6 sont consacrés chacun à une des trois colonies. À partir de ce point, Property and Dispossession entre dans une série de chapitres thématiques qui interpelleraient sans doute davantage ceux qui s’intéressent à d’autres régions du monde, à d’autres peuples autochtones ou à des périodes plus tardives. En effet, les sujets traités – les « communs » coloniaux (chap. 7), les espaces de la propriété (chap. 8), l’arpentage (chap. 9) et les relations souvent tendues entre la métropole et les colonies (chap. 10) – ouvrent grand les horizons en intégrant dans un seul cadre …

Appendices