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La situation des langues autochtones au Canada et au Québec demeure précaire en 2010. En fait, parmi les soixante-trois langues autochtones parlées aujourd’hui au Canada, six sont en situation critique avec moins de cinquante locuteurs, alors que seulement trois retiennent assez de locuteurs pour se considérer comme n’étant pas menacées (crie, ojibwa, inuktitut) [Bear Nicholas 2005, 2009, 2010a, 2010b ; Norris 2002]. La situation est encore plus critique si l'on considère la démographie des populations, car la majorité des locuteurs est âgée et, donc, la transmission de la langue aux générations plus jeunes devient un aspect encore plus critique. Chez les Malécites du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Maine, en moyenne moins d'une personne sur cinq parle la langue malécite-­passamaquoddy. Dans la communauté la plus nombreuse – Tobique ou Nekwotkok, avec 1500 âmes – environ un quart à un tiers de la population parle couramment le malécite et la grande majorité de ces locuteurs a plus de 60 ans (Bear Nicholas 2005, 2009, 2010a, 2010b). Certes, la situation est alarmante mais le cas des Malécites et des Passamaquoddys présente tout de même des éléments prometteurs. Deux programmes dynamiques visant la protection et la transmission de la langue malécite-passamaquoddy sont présentement en cours au Nouveau-Brunswick et au Maine : un programme d’immersion en langue malécite et le projet de documentation de la langue passamaquoddy-­malécite « Language Keepers » – qui fait l'objet d'un autre texte ci-après.

Programme d’immersion en langue malécite à l’université St. Thomas

L’université St. Thomas à Fre­deric­­ton, Nouveau-Brunswick, possède un programme d’immersion et d’édu­cation en langues autochtones. Le programme a été fondé et est géré par Andrea Bear Nicholas, directrice du département d’études autochtones (http://w3.stu.ca/stu/academic/de­part­ments/native_studies/). Ce pro­gramme s’adresse surtout aux futurs enseignants qui travailleront dans les communautés autochtones. Quatre cours de langue malécite y sont offerts. Cependant, le but ulti­me du programme est de mener à l'enseignement de plusieurs matières différentes dans la langue maternelle de la communauté.

Cette approche vise à remplacer les programmes mis en place par le gouvernement fédéral dans les réserves qui se limitent à enseigner la langue pendant une courte période de la journée. Les recherches du professeur Andrea Bear Nicholas et d’autres chercheurs ont démontré que l’enseignement à temps plein des différentes matières dans la langue maternelle des étudiants – enfants, jeunes ou adultes – mène à une meilleure rétention – et donc à de meilleures chances de survie de la langue maternelle autochtone (Bear Nicholas 2005, 2009 ; Norris 2002).

Le programme de l’université St. Thomas est exceptionnel par son envergure, avec un total de quatorze cours offerts sur l’enseignement en con­texte d’immersion en langue ma­­ter­nelle (mother-tongue medium edu­ca­­tion) qui mènent à un certificat reconnu à travers le pays (Native Lan­guage Immersion Teaching Certificate).