Comptes rendus

Études multidisciplinaires sur les liens entre Hurons-Wendat et Iroquoiens du Saint-Laurent, Louis Lesage, Jean-François Richard, Alexandra Bédard-Daigle et Neha Gupta (dir.). Presses de l’Université Laval, Québec, 2018, 144 p.[Record]

  • Marie-Ève Boisvert

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  • Marie-Ève Boisvert
    Doctorante, département d’anthropologie, Université de Montréal

Issu d’une session organisée en 2015 dans le cadre du colloque conjoint de la Ontario Archaeological Association (OAS) et de la Eastern States Archaeological Federation (ESAF), l’ouvrage Études multidisciplinaires sur les liens entre Hurons-Wendat et Iroquoiens du Saint-Laurent témoigne d’un désir de réformer, dans un esprit collaboratif, certaines pratiques problématiques en archéologie, qu’elles concernent l’interprétation du passé ou encore la représentation même des Hurons-Wendat ancestraux et actuels. Ce livre, habilement et fidèlement traduit de l’anglais, traite de la question de l’identité des Iroquoiens du Saint-Laurent en insistant sur l’étroite relation entre ces derniers et les Hurons-Wendat ancestraux. S’agissant d’un ouvrage collectif, il serait laborieux d’aborder chacun des onze chapitres. Il importe plutôt d’examiner sa composition générale tout en portant une attention particulière à certains passages plus marquants. Dans l’ensemble, la qualité du contenu, la concision et l’efficacité des textes méritent d’être soulignées. Loin de compromettre la pertinence du propos, l’objectif de vulgarisation visé dans cet ouvrage offre au lecteur l’opportunité de comprendre aisément les aspects complexes des recherches présentées. La compréhension est également accrue grâce aux nombreux supports visuels qui, en plus d’agrémenter la lecture, permettent de bien cerner les interprétations et conclusions dévoilées par les auteurs. Qu’il soit novice ou expert en la matière, le lecteur se plaira à parcourir les courts chapitres qui s’appuient sur des données archéologiques, ethnolinguistiques, ethnohistoriques, historiques ou de tradition orale. Cette multidisciplinarité offre l’occasion d’adopter une vision holistique, permettant de mesurer l’importance et l’influence relatives de facteurs tels que les contextes géopolitiques, les réseaux sociaux, la complexité sociale, les schèmes d’établissement ou les stratégies belliqueuses, dans l’interprétation des processus de dispersion et d’intégration des Iroquoiens du Saint-Laurent, notamment chez les Hurons-Wendat. Bien que le passé demeure parfois difficile à saisir, cet ouvrage contribue à offrir une image plus claire de la position qu’occupaient les Iroquoiens du Saint-Laurent dans la mosaïque culturelle préhistorique. À cet égard, l’analyse des réseaux sociaux iroquoiens du Saint-Laurent et paniroquoiens (Dermarkar et al.) démontre que l’examen statistique des liens sociaux permet de déceler des changements dans l’évolution des interactions. En effet, grâce aux indices de signalisation sociale encodés dans le décor des vases, cette étude apporte des éléments de preuve supplémentaires quant à l’étendue de l’influence sociale des Iroquoiens du Saint-Laurent et quant à sa transformation au tournant du xviie siècle, période névralgique où les groupes sont en reconfiguration géopolitique. En revanche, en dépit d’un argumentaire bien détaillé et convaincant, la densité des graphes limite parfois la compréhension du propos. Le lecteur qui recherche une explication davantage pragmatique concernant la dispersion et la baisse démographique des Iroquoiens du Saint-Laurent s’intéressera au chapitre portant sur l’analyse comparée des pointes de flèche en pierre par rapport à celles en os ou en andouiller (Engelbrecht et Jamieson). En comparant les différences fonctionnelles entre les pointes de projectile en os, privilégiées par les Iroquoiens du Saint-Laurent, et celles en pierre, plus fréquemment utilisées par les Iroquois, les auteurs concluent que le matériau lithique inflige des blessures plus fatales, conférant ainsi un avantage considérable lors des conflits armés. Tout en reconnaissant la valeur multifactorielle de la dispersion des Iroquoiens du Saint-Laurent, la guerre apparaît, de cette manière, comme une hypothèse plus évidente dans l’explication de ce phénomène. Considérant que les pointes de projectile auraient effectivement été l’arme privilégiée pour les activités belliqueuses, il aurait été intéressant, d’un point de vue méthodologique, de connaître les critères entourant l’identification des pointes en os. En effet, si la morphologie des pointes en pierre taillée révèle clairement leur fonction, la morphologie des pointes en os n’est généralement pas aussi suggestive et laisse place à l’interprétation – …