Cinquante ans... cinquante textes : retour sur des thématiques marquantes

Recherches amérindiennes au Québec et l’épopée juridique des Premiers Peuples[Record]

  • Sébastien Brodeur-Girard

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  • Sébastien Brodeur-Girard
    École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

En janvier 1971, lorsque paraît le premier numéro de Recherches amérindiennes au Québec (RAQ) sous la forme d’un bulletin de liaison visant à rejoindre les spécialistes des questions autochtones au Québec, le droit moderne des Autochtones n’existe pas encore, à toutes fins pratiques. La dernière négociation de traité remonte à 1921, et la tutelle imposée aux Premières Nations par la Loi sur les Indiens demeure le cadre juridique dominant, malgré certains assouplissements apportés au régime en 1951. Quant au titre autochtone et aux droits ancestraux, ils demeurent des théories juridiques qui n’ont pas encore été reconnues par les tribunaux. Il n’est ainsi pas très surprenant qu’on ne retrouve aucun juriste parmi l’équipe fondatrice de la revue, ni dans le bottin « des artisans de l’anthropologie amérindienne au Québec » qui forme la plus grande partie du premier numéro. Parmi la cinquantaine de noms qui s’y trouvent, les ichtyologistes et les musiciens sont ainsi mieux représentés que les spécialistes des questions de droit, bien qu’on envisage tout de même que des juristes puissent éventuellement s’intéresser « aux problèmes créés par la situation historique et politique des communautés amérindiennes » (Rédaction 1971 : 4). Tout cela était cependant sur le point de changer de manière spectaculaire, comme le laissait deviner l’effervescence socio-politique qui agitait alors les milieux autochtones aux États-Unis, au Canada et au Québec. La création de l’Association des Indiens du Québec en 1965, la fondation par Mary Two-Axe Early du groupe Droits égaux pour les Femmes indiennes (Equal Rights for Native Women) en 1968, puis les réactions très vives au Livre blanc soumis par le gouvernement fédéral en 1969 pour éliminer le statut particulier des Premières Nations, constituaient d’ailleurs des signes notables de ce changement de paradigme. Il faudra toutefois quelques années avant que ce bouillonnement d’activisme ne se répercute concrètement dans la sphère juridique, avec notamment l’arrêt Calder de la Cour suprême du Canada, en janvier 1973, qui reconnaîtra pour la première fois l’existence des droits ancestraux (Calder et al. c. PG de la Colombie-Britannique 1973). Ce jugement mènera rapidement le gouvernement fédéral à élaborer une politique sur les revendications territoriales globales et à participer avec le gouvernement du Québec aux négociations du premier traité moderne, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Le déclenchement du grand chantier hydroélectrique de la Baie James, annoncé par Robert Bourassa en avril 1971, constituera d’ailleurs la première occasion pour l’équipe de RAQ de se pencher sur les enjeux juridiques liés aux questions autochtones. Dès décembre 1971, un numéro spécial est consacré à « la Baie James des Amérindiens », avec un article de Donat Savoie portant sur les conclusions du rapport de la commission Dorion quant aux droits territoriaux des Autochtones de la Baie James (Savoie 1971). L’actualité de la Baie James demeurera à l’avant-plan de la nouvelle revue, avec notamment la publication d’extraits de documents juridiques d’actualité tels que l’injonction interlocutoire du juge Malouf en 1973 (Rédaction 1973), puis l’entente de principe qui mènera à la signature de la CBJNQ proprement dite en novembre 1975 (Rédaction 1974). Les suites données à la Convention feront aussi l’objet de publications, notamment du point de vue des communautés inuites dissidentes (Proulx 1982) ou par la publication des actes d’un colloque organisé par la Société Recherches amérindiennes au Québec pour souligner les dix ans de la CBJNQ (Vincent et Bowers 1988). Au cours des années 1970 et 1980, le contenu de RAQ est principalement consacré à des disciplines telles que l’archéologie, la linguistique, la mythologie, l’histoire et l’ethnologie. Les questions politiques ne sont cependant jamais très loin, et l’actualité autochtone …

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