Les dessous et l’au-delà de cinq numéros remarquables

Chamanismes des AmériquesBack to the Future[Record]

  • Robert R. Crépeau

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  • Robert R. Crépeau
    Département d’anthropologie, Université de Montréal

Je remercie Recherches amérindiennes au Québec de me donner l’opportunité, à l’occasion de son 50e anniversaire, de me remémorer le projet de publication du numéro « Chamanismes des Amériques » (vol. xviii, nos 2-3, 1988). L’histoire de ce numéro thématique remonte à bien loin. Nous sommes en 1986, je suis doctorant au département d’anthropologie de l’UdeM. Je rédige une thèse qui porte sur la vie rituelle des Achuar de l’Amazonie péruvienne sous la direction de Lionel Vallée. Je suis depuis peu membre du Comité de rédaction de Recherches amérindiennes au Québec à la suite de l’invitation de sa présidente Sylvie Loslier. Lecteur et abonné de la revue depuis la fin de l’adolescence, je découvre alors l’univers de RAQ de l’intérieur. La revue a pignon sur la rue de Saint-Vallier, coin de Bellechasse, dans un local situé au rez-de-chaussée et qui donne directement sur la rue. Marcelle Roy, adjointe à la rédaction hors du commun qui m’a épaulé tout au long de la préparation du numéro, y travaille tous les jours de la semaine en plus de gérer les fréquentes consultations du centre de documentation de la revue qui constituait à l’époque une précieuse et rare source d’informations sur les questions autochtones en dehors du milieu universitaire. Les réunions du Comité de rédaction me mettent en contact avec un univers entièrement nouveau et constituent pour moi une riche école de formation au monde de l’édition. C’est en apprenant à évaluer des articles et des projets de numéros thématiques que je me suis progressivement mis à envisager de proposer un projet à mes collègues du Comité. L’idée d’un numéro portant sur le thème du chamanisme a émergé de l’analyse des données que j’avais récoltées en Amazonie péruvienne dans le cadre d’un projet de recherche dirigé par Lionel Vallée, et qui portait sur les impacts de l’introduction de la biomédecine chez les Achuar. J’avais développé quelques hypothèses et certaines convictions bien préliminaires lors de la rédaction de mon examen de synthèse doctoral, au printemps 1986, en répondant à une question qui me demandait de comparer mes données de terrain portant sur la pratique du chamanisme chez les Achuar avec les données concernant deux autres sociétés, l’une arctique et l’autre nord-américaine. De cette comparaison, je devais dégager un modèle général en insistant sur les similitudes, les différences et leurs transformations dans le temps. Tout un défi auquel j’avais consacré un peu plus d’une soixantaine de pages en me penchant sur les Toungouses de Sibérie et les Pima-Papago du sud-ouest de l’Arizona. Les Achuar ont une théorie très particulière sur la santé et sur la maladie. Au moment de mon séjour, ils utilisaient des remèdes à base de plantes et de quelques médicaments commerciaux lorsqu’une personne présentait des symptômes légers, dits sungkúr, au tout début d’un problème de santé. Si les symptômes persistaient plus de trois ou quatre jours ou s’il s’agissait de symptômes graves, alors ils invoquaient une autre catégorie, qu’ils nommaient játa (maladie grave, mort, décès). Le traitement de cette dernière relevait essentiellement des chamanes qu’il fallait s’empresser de consulter pour obtenir un diagnostic afin de déterminer si les symptômes étaient liés à un conflit non résolu ou encore à une rencontre avec un iwianch, une entité malveillante. Rien n’était fortuit dans ce système étiologique puisque, selon les Achuar, játa découlait toujours d’une intention malveillante. L’idée m’est venue de réunir des contributions portant sur plusieurs aires régionales des trois Amériques à commencer bien entendu par le Nord-Est américain. J’avais conçu une grille thématique à partir d’interrogations qui découlaient de mon terrain chez les Achuar et que j’ai soumise …

Appendices