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Depuis leur parution, on a souvent dit des Historiae canadensis (dorénavant HC) du père jésuite François Du Creux[1] qu’elles posent un regard bienveillant sur les Amérindiens et sont rédigées dans un beau style latin, quoiqu’avec une surabondance de détails (ill. 1). La méthode historique de l’auteur a cependant essuyé des reproches : l’omission d’épisodes historiques importants et l’absence de faits nouveaux ont déçu les attentes. Les récentes lectures présentent l’oeuvre, à juste titre, non comme une histoire du Canada en tant que récit des faits survenus, mais comme une histoire « centrée sur les exploits des missionnaires français[2] » en Nouvelle-France. Celle-ci prend principalement (mais pas exclusivement) pour sources les Relations des jésuites de Nouvelle-France[3], dont la réécriture a été motivée par le désir de diffuser plus largement le succès des missions jésuites canadiennes auprès des milieux cultivés, selon Percy J. Robinson, le traducteur anglais des HC : « At an early date, therefore, the French Jesuits decided that the record of their Canadian missions, retold in Latin, the universal language of international intercourse, might appeal to a more cultivated circle of readers, and exert a greater influence[4]. » L’explication s’appuie sur le peu d’intérêt des milieux littéraires pour les Relations en langue vernaculaire, ceux-ci puisant leur inspiration dans les classiques grecs et latins. C’est pourquoi, poursuit Robinson, en 1643, à Bordeaux, la Compagnie de Jésus recourt aux compétences littéraires d’un ancien professeur de rhétorique, Du Creux, pour traduire des passages des Relations sous la censure et conformément aux indications de son supérieur[5].

(ill. 1)

François Du Creux, Historiae canadensis seu Novae-Franciae libri decem, ad annum usque Christi MDCLVI, Paris, Sébastien Cramoisy et Sébastien Mabre-Cramoisy, 1664. BAnQ, collections patrimoniales (RES/AD/157).

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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S’il est établi que l’oeuvre relate les exploits des missionnaires jésuites, si l’on connaît les textes sur lesquels elle se fonde, on sait toutefois peu de chose du processus de réécriture de Du Creux. Cet article se propose donc d’étudier la réécriture des Relations dans le but de comprendre l’intérêt, pour les jésuites, de mettre en histoire les missions canadiennes. L’étude s’attachera dans un premier temps au contenu des HC en tant que vérité historique. Elle dégagera, d’une part, la cohérence de l’oeuvre telle que l’envisage l’auteur dans les pages liminaires. D’autre part, elle s’intéressera à la relation que les HC entretiennent avec les sources en analysant la construction de l’ethos de l’historien, capable de défendre la vérité transmise par l’ouvrage grâce à la mise en scène du travail de réécriture. La seconde partie sera consacrée à la manière dont Du Creux utilise le genre historique au service de la Compagnie de Jésus. L’examen portera d’abord sur les passages où l’auteur se réclame du statut d’historien pour prendre une position prudente sur la délicate question de la sainteté. La démonstration de l’usage apologétique de l’histoire de Du Creux dans les questions de commerce et de théologie clora l’étude. Ces considérations mèneront à des hypothèses sur les raisons ayant pu motiver la réécriture des Relations.

Les pages liminaires

Rappelons d’abord que les Relations appartiennent à la catégorie des récits de voyage, dont Réal Ouellet souligne le caractère composite dans une étude sur cette forme littéraire. La nature même du voyage, avec ses itinéraires et ses séjours, amène en effet l’interruption de la narration des aventures par l’imbrication de séquences de description et de commentaires. Une contrainte temporelle pèse également sur les auteurs de relations, qui doivent terminer leur compte rendu annuel de mission avant le départ des bateaux pour la France, d’où un effet de collage parfois perceptible dans ces ouvrages[6]. N’étant pas voyageur – il n’a jamais mis les pieds en Nouvelle-France –, Du Creux dispose de tout son temps pour construire une unité historique. Il réorganise pour son oeuvre le contenu des Relations de manière à rétablir des épisodes, à tisser une trame narrative et à constituer des unités textuelles. Par ces opérations, que nous n’exposerons pas en détail faute d’espace, la mission jésuite est envisagée dans son ensemble. Voyons en quels termes Du Creux la décrit dans les pages liminaires des HC.

Celles-ci sont composées de six documents. Deux adresses figurent en début d’ouvrage, suivies d’une liste des noms des membres de la Compagnie des Cent-Associés (sous l’administration de laquelle se déroulent les faits relatés), de la préface, d’une copie du privilège royal et de la permission du provincial jésuite. Les deux adresses et la préface retiendront ici notre attention. Pour des questions de lisibilité et parce que cet article ne traite pas de questions de traduction, nous avons choisi de ne donner que la traduction française des extraits cités. Nous utilisons, en fichier électronique, la traduction française inédite du défunt père Lucien Campeau, historien jésuite[7].

La première adresse, destinée au roi Louis XIV, énonce un premier thème développé par les HC, à savoir les malheurs des Canadiens[8] (ill. 2). Les protagonistes autochtones s’y trouvent définis : le néophyte vertueux, qu’il soit huron, montagnais ou algonquin, est un sujet français. Même les pires souffrances n’affaiblissent pas sa foi, solidement ancrée. Il s’oppose à l’Iroquois traître et cruel, désireux de ruiner tous les efforts des Français. C’est pourquoi, au nom des injures faites par les Iroquois à Dieu et au roi, Du Creux demande au roi l’envoi de secours pour protéger les affaires politiques et religieuses canadiennes. Dans une adresse à la Compagnie des Indes occidentales, il dessine ensuite un portrait des missionnaires, qui « ne respirent et ne regardent que la gloire de Dieu[9] » au point de supporter la torture jusqu’à leur dernier souffle. Les noms et les circonstances de la mort de 10 pères occupent environ la moitié de cette seconde adresse. L’auteur y formule deux autres sujets traités par les HC, la propagation de la foi en Nouvelle-France ainsi que « l’Église naissante composée aussi bien d’un grand nombre de très saints chrétiens, que d’humbles purifiés dans la fontaine du Christ[10] ». Considérant les travaux et la piété de ces hommes, Du Creux invite la Compagnie des Indes occidentales à se montrer à la hauteur de son mandat d’assurer la diffusion du christianisme en Nouvelle-France.

(ill. 2)

Adresse en latin destinée au roi Louis XIV. « Ludovico XIV regi christianissimo », dans François Du Creux, Historiae canadensis seu Novae-Franciae libri decem, ad annum usque Christi MDCLVI, Paris, Sébastien Cramoisy et Sébastien Mabre-Cramoisy, 1664, p. aii. BAnQ, collections patrimoniales (RES/AD/157).

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Après avoir énoncé ses deux requêtes, l’historien écrit en préface que ce sont les travaux des pères, leurs souffrances et la constance des néophytes qui sont dignes de faire l’histoire qu’il introduit. Une série de paramètres permet d’apprécier la difficulté des travaux apostoliques relatés : la précarité matérielle, le nomadisme des peuples visés et l’acharnement des Iroquois à détruire ces derniers. Du Creux s’engage toutefois à dégager la beauté de « cette horrible face des choses[11] » en suivant l’idéal cicéronien de l’historia ornata. Il annonce une écriture où les contrastes susciteront l’émotion et feront ressortir la beauté tragique de l’oeuvre missionnaire, dont le genre historique veut fixer à jamais la grandeur. Le but de mémoire des HC vise les promoteurs de la mission jésuite canadienne, et surtout ses acteurs; il s’agit d’immortaliser les faits des missionnaires, qui ont versé sueur et sang pour affronter non des hommes civilisés, à la différence de leurs confrères, mais « des bêtes et des hommes primitifs voués à toute sorte de sauvagerie[12] ». Du Creux justifie son entreprise littéraire en rappelant au lecteur que les oeuvres sur les martyrs du Japon et autres héros de la Compagnie de Jésus morts pour la charité[13] ont reçu l’approbation générale grâce aux actes et à la vertu qu’ils relatent. C’est dans le même esprit qu’il présente les HC :

Aussi, je n’exagère pas en affirmant qu’Isaac Jogues, Jean de Brébeuf, Gabriel Lalemant, Charles Garnier, et les autres dont nous allons raconter les actions, n’ont rien fait de moindre que n’ont fait ces héros récents, que nous approuvons tous, chrétiens, et dont les actions pénibles demeureront à l’avenir exemptes de la dent de l’envie, pendant que les admirent et les admireront les sincères enfants de Dieu et de l’Eglise[14].

La légitimité de la mission ainsi posée, il propose une rétrospective de la présence française en Amérique : il expose les obstacles des débuts lents et difficiles, l’abondance inégalée des fruits du message évangélique depuis que l’on soutient la Compagnie de Jésus, et les empêchements causés par les hérétiques. Cette chronologie amène le lecteur à l’année 1625, sur laquelle s’ouvrent les HC.

L’ethos de l’historien par le travail des sources

La vérité dévoilée par les HC au sujet du combat des jésuites est donc celle-ci : les missionnaires sont des héros prêts à souffrir et à mourir pour évangéliser des hommes sauvages, et ils y parviennent avec succès malgré les épreuves et les obstacles. Pour conférer à cette assertion le statut de vérité, l’historien doit ériger ses sources en preuves solides et démontrer sa crédibilité. Ce processus s’opère dans la réécriture des Relations en HC, grâce à la constitution d’un ethos, qui nous intéressera ici.

Les Relations sont des comptes rendus des diverses missions jésuites, envoyés au provincial de France sous forme de lettres. La forme épistolaire mettant le voyageur – en l’occurrence, le missionnaire – au centre de l’action[15], ces textes illustrent le point de vue des acteurs de la lutte contre le Mal sur le terrain. Une fois ces documents en main, l’historien pose un regard extérieur et global sur l’entreprise jésuite en Nouvelle-France, lui-même n’y ayant jamais participé. La variation de la distance focale déplace le je du missionnaire vers la troisième personne, l’espace énonciatif étant désormais occupé par le je de l’historien. Celui-ci explique, justifie et commente sa propre démarche, dont la manifestation la plus évidente est, outre l’emploi de la langue latine, le choix et l’agencement de passages destinés à valoriser les travaux de la Compagnie de Jésus. Plus qu’une traduction de passages choisis, plus qu’un résumé ou un condensé des Relations, les HC sont la réécriture des événements sous un nouvel éclairage.

Pour se donner l’image d’un historien consciencieux, fondant son récit sur des textes fiables et rendus avec exactitude, Du Creux met en scène son propre travail. Il renseigne le lecteur sur les documents utilisés et sur son acte d’écriture. Identifier les auteurs et la nature des sources fait l’objet d’une attention constante, tout au long de l’ouvrage. Précisant ici que son information émane de tel père, auteur d’une Relation, Du Creux insère là « un extrait d’une ou l’autre lettre d’un prêtre de la Compagnie écrivant aux religieuses[16] », ou rédige à partir d’une discussion avec son confrère Francesco Giuseppe Bressani, par exemple, avec qui il a « causé de beaucoup de choses[17] ». Il établit la crédibilité des auteurs de ses sources sur la base de leur qualité de témoins oculaires ou de participants aux événements. À titre d’illustration, lorsque des Amérindiens décident d’eux-mêmes d’aller prêcher la foi à Tadoussac en 1640, la véracité du fait est attestée par Paul Le Jeune, « témoin et écrivain d’une mutation divine et insoupçonnée des esprits barbares[18] ». Non seulement les sources témoignent d’une expérience directe, mais aussi le rapport de proximité qu’établit avec elles l’historien invite à penser qu’elles n’ont subi aucune corruption : « J’ai sous les yeux l’autographe d’une lettre ou narration de cette lugubre histoire écrite par son héros lui-même[19] », écrit Du Creux avant de raconter la captivité d’Isaac Jogues en 1642. Enfin, pour étayer ce qu’il avance ou insister sur l’authenticité d’un témoignage, il souligne parfois l’importance de la fidélité d’une citation en employant l’expression « mot à mot » (ad verbum).

Les sources peuvent présenter des lacunes ou des faiblesses. Dans le cas où elles sont obscures ou manquent de détails, Du Creux en informe le lecteur et recourt au vraisemblable si nécessaire pour achever un récit, proposer une explication ou interpréter un fait. S’il pose dessus un regard critique, il en nie rarement la véridicité, même en cas de contradiction. Sa manière de traiter deux textes divergents sur la simultanéité des supplices de Jean de Brébeuf et Gabriel Lalemant, en 1649, l’illustre bien. La première version vient de Jacques Bonin et ne nous est pas parvenue autrement que par les HC[20]. Elle raconte que les deux pères ont souffert en même temps (ill. 3). La seconde version est tirée de la Relation publiée de Paul Ragueneau[21]. Elle « ne s’accorde pas assez avec Jean [sic] Bonin[22] » et fait mourir Brébeuf avant le début des supplices de Lalemant. Or, affirmer la véracité de la version de Bonin risquerait de compromettre la crédibilité de la Relation dont Du Creux a déjà repris le contenu. Pour ne pas entacher sa propre crédibilité, l’historien cherche à annuler les contradictions entre les deux textes en proposant que

Brébeuf n’a pas pu voir Lalemant en flammes, mais il a pu le voir enfermé dans sa dure enveloppe [une écorce gorgée de résine]. Il est possible qu’on ait présenté le plus jeune [Lalemant] au plus âgé [Brébeuf], pour se moquer de lui, ou lui inspirer la peur, et qu’on l’ait retiré ensuite dans une cabane[23].

(ill. 3)

Grégoire Huret, « Preciosa mors quorundam patrum é Societ. Iesu in Nova Francia », gravure, 36,2 x 44,5 cm, dans François Du Creux, Historiae canadensis seu Novae-Franciae libri decem, ad annum usque Christi MDCLVI, Paris, Sébastien Cramoisy et Sébastien Mabre-Cramoisy, 1664, entre les pages 542 et 543. BAnQ, collections patrimoniales (RES/AD/157).

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Ni la lettre de Bonin ni la Relation de 1648-1649 ne sont invalidées par ces précisions, et Du Creux peut continuer d’emprunter des passages de cette Relation sans devoir remettre en question le statut de sa source.

La nature et le travail des sources sont ainsi mis à contribution pour établir un lien de confiance entre Du Creux et son lecteur. Aussi l’historien prend-il soin d’indiquer quelques-unes de ses interventions sur les textes qu’il rapporte, comme résumer la teneur d’un passage digne d’être rapporté mais qu’il ne développe pas. Il justifie, par exemple, l’omission de passages « [p]our éviter l’ennui des lecteurs[24] » et les redites, ou encore parce qu’ils subiraient l’ombrage d’événements plus marquants :

Il faudrait ici raconter ce que, cette année, Gabriel Druillètes a fait et remporté chez les Abénaquis […]. Je m’en abstiens, en partie parce que tout cela est très semblable à ce que souvent et en plusieurs passages nous avons rapporté, et en partie parce que nous interpellent les malheurs vraiment tragiques des Hurons, dont nous parlerons à l’avenir, laissant de côté les nouvelles de Québec […] parce que si ces nouvelles habituelles étaient ajoutées aux plus mémorables des Hurons, elles apparaîtraient comme ennuyeuses[25].

Ces choix sont déterminés par l’objet des HC. Le passage ci-dessus précède les récits de la destruction de la Huronie, où la violence des attaques iroquoises et du traitement des captifs donne lieu à des exemples de constance et aux morts héroïques de missionnaires. Ce type d’épisode est essentiel au message de l’oeuvre puisqu’il met en lumière les qualités saintes des protagonistes. Mais toutes les omissions ne sont pas signalées. L’auteur passe sous silence l’absence de certains faits historiques et politiques aujourd’hui jugés importants, telle la fondation de Montréal, qui ne contribuent pas à l’édification de ses héros. Il explique plutôt les choix qui pourraient lui être reprochés en fonction de la visée édifiante de l’oeuvre. La mise en scène du travail d’écriture veut donc montrer un historien soucieux d’informer le lecteur des endroits où la réécriture a abrégé ou tronqué les textes de départ. L’ethos dépeint un Du Creux fidèle à des sources qu’il est capable de critiquer, tout en démontrant qu’elles sont fiables et que sa démarche est inattaquable.

Un statut d’historien au service de la prudence

Cette image s’avère essentielle dans le cadre du projet mémoriel de l’oeuvre, car elle permet à Du Creux d’affirmer ce qui, autrement, contreviendrait aux décrets du pape Urbain VIII. Il n’invoque son statut d’historien que pour se protéger d’éventuelles accusations à ce sujet, une précaution prise dès la préface :

Je professe et affirme que, par obéissance au décret de notre Saint-Père Urbain VIII, je ne demande pas plus de foi de qui que ce soit à mes écrits qu’on n’en doit ordinairement accorder à un historien véridique ou à l’autorité et à la sincérité de ceux de qui j’ai reçu ce que j’écrirai. De la sorte, je ne veux rien préjuger, en ce qui concerne les vénérables serviteurs de Dieu dont je raconterai ici les actions, à toute déclaration de leur sainteté ou de leur bonheur éternel[26].

Le missionnaire Francesco Giuseppe Bressani explique la teneur de ce décret dans sa Breve relatione de 1653 (ill. 4). Le pape « défend d’imprimer aucun livre qui traite des actions, des miracles, des révélations de personnes célèbres par leur sainteté ou par la réputation de leur martyre, ou qui parle de quelques faveurs comme obtenues de Dieu par leur intercession ». Au sujet du défunt, on peut « parler de ses vertus, et de l’idée qu’on en avait, pourvu qu’on proteste en commençant, que l’Église Romaine ne confirme aucun de ces récits par son autorité, et qu’ils ne reposent que sur le témoignage de l’auteur[27] ». La prudence de Du Creux est attribuable au statut posthume de martyr que la Compagnie de Jésus envisage alors déjà pour ses missionnaires de Nouvelle-France. Il réserve ainsi son jugement sur Brébeuf et Lalemant : « Faut-il les appeler des martyrs? Il appartiendra au Saint-Siège de le décider. Nous n’avons pas à préjuger quoi que ce soit[28]. »

(ill. 4)

(à gauche) Francesco Giuseppe Bressani, Breve relatione d’alcune missioni dé PP. della Compagnia di Giesù nella Nuova Francia, Macerata, [pour les héritiers d’]Agostino Grisei, 1653. BAnQ, collections patrimoniales (971.023 B843br D 1653 BMRA).

(à droite) Page de titre gravée au début de la traduction française de Félix Martin, qui réfère à l’édition originale de la Breve relatione de 1653.

Francesco Giuseppe Bressani, Relation abrégée de quelques missions des pères de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle-France, traduit par Félix Martin, Montréal, John Lovell, 1852. BAnQ, collections patrimoniales (971.01 B843b F1852 ICM).

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Quant aux faits miraculeux qui pourraient appuyer, voire confirmer, l’accession des pères au statut de bienheureux, Du Creux demeure tout aussi prudent. C’est grâce à l’exactitude des faits qu’il justifie la réécriture de deux apparitions du père Daniel d’après la Relation de 1648-1649[29] : « Je rends les mots de l’écrivain mot à mot, de peur d’y ajouter du mien en une chose aussi importante, car dans les moindres choses j’ai toujours observé de ne jamais m’éloigner de la vérité de la largeur d’un ongle. C’est la loi de l’histoire[30]. » Cet argument est repris dans le récit d’un homme qui, sauvé des glaces minces du fleuve par la voix de Marie de Saint-Joseph, en 1652, affirme avoir marché sur l’eau. « De quel nom appeler cet incident, je laisse cela à ceux qui ont le pouvoir de déterminer ce qui est miracle comme de tout ce qui peut conduire à déclarer la sainteté des serviteurs de Dieu. Moi, j’expose en historien[31]. » Du Creux ne montre toutefois pas la même prudence lorsqu’il relate la guérison, en 1648, d’une moniale au moyen des gants du défunt père Jogues. D’emblée, celui-ci reçoit le statut de saint, étant « transféré à l’immortalité bienheureuse, comme il est croyable, aussi bien pour plusieurs raisons qu’au moyen d’une certaine relique, par laquelle cette année le très libéral Rémunérateur de ses serviteurs a commencé sur la terre à illustrer son nom[32] » (ill. 5). La guérison miraculeuse n’est jamais mise en doute. Il faut dire que le témoignage émane non d’un individu, mais d’un « autographe récemment envoyé, attesté par dix moniales[33] ».

(ill. 5)

Début du septième livre des Historiae canadensis où la guérison est relatée. François Du Creux, Historiae canadensis seu Novae-Franciae libri decem, ad annum usque Christi MDCLVI, Paris, Sébastien Cramoisy et Sébastien Mabre-Cramoisy, 1664, p. 499. BAnQ, collections patrimoniales (RES/AD/157).

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Ces événements ont en commun d’être marqués du sceau de la vérité par l’historien : de la même manière que le syntagme « mot à mot » certifiait l’authenticité d’une source, le statut véridique de l’histoire suffit à confirmer la véracité des faits. Or, l’auteur a conscience que la réécriture des miracles crée une confusion entre les genres historique et hagiographique, déjà proches. À cela s’ajoute la présence de nombreuses biographies saintes dans les HC, « qui interrompent le déroulement historique, mais [qui] confèrent également une logique interne à l’ensemble[34] », comme le remarque justement Allan Greer. La plupart des recours explicites à l’histoire se situent au sein de ces biographies et rappellent au lecteur qu’il n’a pas sous les yeux une hagiographie, mais bien le récit de choses survenues, rapportées avec rigueur et attestées par des témoins crédibles. Cette stratégie rhétorique semble destinée à désamorcer la méfiance grandissante à l’endroit des miracles, au cours du xviie siècle, du moins auprès des clercs érudits et des théologiens[35]. La précaution de Du Creux peut s’expliquer, en partie, par la volonté de ne pas déclencher d’autres querelles théologiques entre son ordre et ces lecteurs potentiels, qui maîtrisaient la langue latine.

Nous croyons que se réclamer de l’histoire a permis à Du Creux de réunir, sous un même titre et prudemment, une abondante documentation en vue de soutenir les démarches de canonisation entreprises par la Compagnie de Jésus. On sait que Paul Ragueneau réunit et fait attester, en 1652, des documents relatifs aux martyrs dans cette perspective[36]. De plus, la gravure représentant la « mort précieuse » (mors preciosa) des pères, qui accompagne et résume les HC, a été réalisée en 1650 ou en 1651[37] (ill. 3). Assez tôt, la volonté de reconnaître la sainteté des missionnaires a pu animer la rédaction des HC. Le lien indissociable entre véridicité et histoire aurait alors pu jouer un rôle dans la publicité ou la popularisation des démarches de canonisation. Mais l’oeuvre a-t-elle été commandée pour cette raison?

Défense de la Compagnie et sollicitation de nouveaux missionnaires

Pour esquisser une réponse à cette question, intéressons-nous aux commentaires apologétiques qui ponctuent les HC. Dans le genre historique, l’orientation chrétienne se manifeste par la mise en lumière des malheurs qui frappent les hommes et de l’intervention divine dans leurs affaires. Ce procédé vise à prouver l’absence de fondement des accusations portées contre les protagonistes[38]. Du Creux exprime clairement cette fonction apologétique des récits de malheurs lorsqu’il rapporte la pénible expérience hivernale, en 1633-1634, de Le Jeune avec les Montagnais.

Nous allons raconter, en les résumant, ces souffrances, pour fermer la bouche de la calomnie, lancée au temps où nous écrivons avec la plus niaise malice contre ces hommes apostoliques, qui, renonçant aux plaisirs de la vie, ayant dit adieu à toutes les joies et entrant dans ces solitudes horribles, demanderaient et subiraient une si dure province, non pas à cause des âmes, mais pour des peaux[39].

L’accusation de faire le commerce des peaux sous prétexte de piété était diffusée depuis au moins 1632[40] et se trouve réfutée à quelques reprises dans l’oeuvre. Du Creux se sert ici des faits historiques pour la démentir. Il dégage les vertus apostoliques, le courage et la patience du missionnaire qui, même malade, s’acharne à enseigner la foi. Lorsque Le Jeune explique à ses hôtes que par amour pour eux, il est venu apprendre leur langue et leur parler de Dieu, Du Creux ajoute même que cela est « sans aucune recherche de profit[41] ».

La dimension apologétique des HC ne se limite cependant pas à la défense de l’intégrité missionnaire; elle touche aussi les positions théologiques qui sous-tendent la méthode d’évangélisation des jésuites. Dans son ouvrage sur les Lettres édifiantes et curieuses, Adrien Paschoud explique que selon la théologie jésuite, Dieu n’est pas hors d’atteinte de l’homme qui, par nature, est apte à L’adorer et à Le servir. « L’action de Dieu dans le monde, la grâce suffisante, est donc permanente; il n’appartient qu’à l’homme de la rendre opérante par son libre arbitre[42] ». Du Creux inscrit d’entrée de jeu les Amérindiens dans les thèses monogéniste et rétrogressive. Semblables par nature aux autres hommes, ils en partagent les qualités intellectuelles et humaines. Aussi l’auteur précise bien « que les Canadiens ne sont pas du tout hébétés[43] », et que « c’est par le poids des raisons et la promulgation toute nue de l’Évangile [que Dieu] a voulu agréger les peuples canadiens à l’Église[44] ». Les jésuites déploient alors tous les moyens rhétoriques en leur pouvoir pour convaincre les Amérindiens des vérités chrétiennes, recourant même à leurs connaissances géographiques pour établir leur crédibilité[45]. La conversion s’opère non par des coups d’éclat ou des miracles, mais par un lent travail d’enseignement destiné à lever le voile de l’obscurité. Ce travail met au jour l’action de la grâce, qui peut subitement transformer les Amérindiens, car « la grâce divine ne trouve pas les hommes saints, mais les fait tels[46] ». Le contact du message biblique peut ainsi faire du « sauvage » un chrétien exemplaire, comme l’indique Paschoud[47], capable de surpasser l’Européen par le respect des règles chrétiennes.

Si les conditions sont réunies pour que l’Amérindien comprenne le message divin, il n’y adhère toutefois pas forcément : cela dépend de sa volonté, dont les missionnaires examinent la sincérité avec beaucoup de sérieux (ill. 6). Du Creux insiste lourdement sur cet aspect dans son oeuvre, en rapportant de nombreux cas de baptêmes retardés par les missionnaires. Ceux-ci tiennent en effet à s’assurer que les catéchumènes adoptent un comportement chrétien et conservent la foi, dans le quotidien comme dans l’adversité. Qu’il s’agisse de surmonter une maladie ou un deuil infligés par Dieu, ou de résister aux superstitions et aux moeurs païennes, l’épreuve de la constance est une étape fondamentale dans la démarche qui intègre l’Amérindien dans la chrétienté. L’importance que l’auteur y accorde semble témoigner d’un souci des jésuites de prouver qu’une autre des accusations qu’on leur porte est infondée, celle d’autoriser trop facilement les sacrements, formulée par Antoine Arnauld dans De la fréquente communion en 1643[48]. En fait, pendant toute la période de rédaction des HC, les jésuites défendent leurs positions dans les débats théologiques autour des questions du rapport entre grâce et liberté, mais aussi de leur rigueur morale. Du Creux prend donc soin de justifier l’attitude modératrice des pères devant la sévérité des châtiments déterminés par les Amérindiens en cas de violation des règles de la vie chrétienne. Selon lui, la sévérité doit être « juste et légitime, assaisonnée de paroles d’humanité et arrosée de sérieux[49] ». Lorsque les néophytes de Sillery condamnent tout pécheur à passer quatre jours sans manger, mesure jugée trop sévère par les missionnaires, il ajoute :

Autre est la condition d’une Église déjà adulte et confirmée et autre celle d’une Église en train de se réunir, presque naissante, explique Du Creux. De même que dans la vie quotidienne il serait téméraire de surcharger les corps de fardeaux qu’ils ne peuvent porter, ainsi il faut bien se garder, dans les institutions chrétiennes, d’exiger tout rigidement, sans égard pour les plus faibles, au risque de les mettre en fuite comme des enfants devant un ver[50].

(ill. 6)

Néophyte reproduit dans les Historiae canadensis. Le vêtement orné de croix indique que l’homme adopte les façons de faire et la religion des Français.

François Du Creux, Historiae canadensis seu Novae-Franciae libri decem, ad annum usque Christi MDCLVI, Paris, Sébastien Cramoisy et Sébastien Mabre-Cramoisy, 1664, p. 70 iii. BAnQ, collections patrimoniales (RES/AD/157).

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Exemples à l’appui, l’historien explique qu’une trop grande rigueur peut éloigner les Amérindiens de la foi et provoquer des réactions agressives de la part des païens, pour qui la punition est une pratique intolérable. C’est donc dans l’intérêt du christianisme qu’il convient parfois d’assouplir une règle. L’auteur prend cependant soin d’illustrer l’intransigeance des missionnaires à l’égard du paganisme, évitant de nourrir la controverse entourant l’attitude accommodante des jésuites envers les rites dans leurs missions étrangères.

La réécriture soumet ainsi les faits historiques à une image institutionnelle orthodoxe, en réponse aux accusations de laxisme et de recherche du gain qui pèsent alors sur la Compagnie de Jésus et qui remettent en cause son intégrité. Il semble en fait que chaque composante de cette histoire porte son propre message. Les souffrances missionnaires montrent la conduite irréprochable des pères, qui ne s’exposeraient pas à de telles épreuves pour de l’argent. La constance du néophyte prouve qu’il est touché par la grâce, alors que la méthode d’évangélisation des jésuites se justifie d’elle-même par son efficacité.

Par la constitution d’une unité historique, la réécriture des Relations permet aux HC de se centrer sur l’héroïsme missionnaire dans un contexte propice au martyre. Tout converge vers la mise en lumière de l’excellence des travaux des jésuites, capables de transformer en chrétiens exemplaires des hommes sauvages et d’une cruauté inouïe. Le choix des récits à réécrire, la manière de dégager la beauté tragique des souffrances endurées pendant l’apostolat, la structure hagiographique des biographies et les références aux décrets du pape Urbain VIII orientent la lecture de l’oeuvre vers un plaidoyer de canonisation, suivant Percy J. Robinson[51]. Du Creux a-t-il entrepris la rédaction des HC, en 1643, dans le but de rendre hommage aux travaux du père Jogues, de René Goupil et de Guillaume Couture, qu’on croyait morts aux mains des Iroquois? On peut supposer qu’une oeuvre historique était le meilleur endroit pour en conserver la mémoire. Nous ne savons pas s’il était alors déjà question de sainteté. Quoi qu’il en soit, les circonstances dramatiques de la mort de plusieurs missionnaires, au cours des années suivantes, ont resserré l’orientation hagiographique de l’oeuvre, qui donne l’effet d’un recueil de vies, établi pour soutenir les démarches de canonisation. L’histoire intervient alors comme une protection : par son caractère attestant de la vérité et sa visée de mémoire, elle veille à ce que la véracité des faits susceptibles de conférer aux hommes la sainteté se fixe dans le temps, sans contrevenir aux décrets du pape.

Le besoin criant de secours apostoliques et militaires, exprimé dans la Relation de 1642[52], a pu participer à la décision de commander une histoire : il fallait empêcher les Iroquois de nuire aux projets des Français, mais aussi – et peut-être surtout – répondre à la curiosité grandissante des indigènes au sujet du message divin en envoyant plus de pères (ill. 7). Après des débuts lents et difficiles, de si beaux résultats méritaient d’être soulignés. Pendant la rédaction des HC, les choses ont évolué, mais les adresses liminaires attestent une visée de sollicitation. Plus de 20 années de guerre avec les Iroquois expliquent qu’en 1663 et en 1664, l’on demande encore d’assurer la sécurité de la colonie et de la mission jésuite, devenues fragiles. Dans un cas comme dans l’autre, il convient, pour la Compagnie de Jésus, de présenter une bonne image institutionnelle pour obtenir le soutien souhaité. De 1643 jusqu’à la publication des HC, les jésuites doivent réfuter plusieurs accusations sur les questions d’intégrité, de théologie et d’évangélisation. Le genre historique permet d’asseoir la défense de l’ordre religieux sur la véracité des faits qui témoignent des souffrances des pères, des qualités chrétiennes des néophytes et de l’orthodoxie de la méthode d’évangélisation jésuite. En démontrant que cet ordre missionnaire a réussi à implanter une foi durable là où les autres ont échoué, l’histoire fournit la preuve que l’aide demandée n’est destinée ni à engranger des profits, ni à encourager un christianisme « mou », mais plutôt à édifier une Église forte. Les exemples de succès de ce projet sont certes moins nombreux qu’espéré à cause du manque de pères et des guerres, mais si prometteurs – moyennant beaucoup d’efforts – qu’on ne peut en remettre en question le bien-fondé :

Je demande ici que les détracteurs de la Compagnie de Jésus réfléchissent s’il faut louer ou blâmer ceux qui n’hésitent pas, à travers mille dangers des terres et des mers, à aller trouver ces nations féroces, pour adoucir par l’enseignement chrétien leurs coeurs barbares et changer leur vie cruelle en mansuétude des saints. Ils prévoient très bien, que l’un ou l’autre des leurs remportera de son sang et de sa vie cette victoire. Je dis victoire. Ils ne doutent pas qu’un jour toutes ces nations seront soumises aux lois de l’évangile. Mais il faut y vouer d’énormes travaux d’abord; ils devront affronter des périls quotidiens pour leur vie[53].

(ill. 7)

Barthélémy Vimont, Relation de ce qui s’est passé en la Nouvelle France en l’année 1642. Envoyée au R. P. Jean Filleau provincial de la Compagnie de Jésus en la province de France, Paris, Sébastien Cramoisy, 1643. BAnQ, collections patrimoniales (971.21 R382re 1643 BMRA).

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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Le combat de Dieu contre Satan est loin d’être achevé, conclut Du Creux dans les dernières lignes des HC : les néophytes iroquois « seront peut-être une semence que s’est laissée le Seigneur Sabaoth [Seigneur des Armées], pour que toute la nation ne périsse pas comme Sodome[54] ». Or, les victoires éclatantes de la foi sur le paganisme, si bien incarnées par Eustache Ahatsistari et Joseph Onaharé, foisonnent dans l’oeuvre. Elles confirment la capacité des missionnaires jésuites de lutter efficacement contre le Mal, légitiment la présence des pères au Canada et sollicitent l’arrivée d’autres.

S’il ne fait aucun doute que l’édification des néophytes glorifie les héros de Du Creux, de récentes études sur la reconnaissance du statut de martyr aux personnages représentés dans la gravure de Grégoire Huret soulèvent une importante question[55]. L’illustration montre le néophyte algonquin Joseph Onaharé attaché à un poteau et menacé d’une flèche (ill. 8). Mort sous la torture et en refusant de renier sa foi, Onaharé était tenu pour martyr par certains pères. Dans un article sur l’Amérindienne Kateri Tekakwitha, désormais sainte, Allan Greer soulignait l’existence d’un courant du mysticisme chrétien qui tendait à exalter l’innocent ignorant au xviie siècle. Par conséquent, la sainteté n’était pas incompatible avec le caractère indigène, dans la mesure où les textes hagiographiques distinguaient la nature sainte des origines autochtones[56]. Greer ainsi que Timothy G. Pearson signalent toutefois que la présence d’Onaharé dans cette image est une anomalie. Onaharé n’étant pas dessiné en train de torturer ni de subir la torture, il est impossible de le rattacher avec certitude aux persécuteurs ni aux victimes, explique Pearson[57]. Le néophyte ne figurera d’ailleurs pas dans les copies subséquentes de la gravure[58]. Pourtant, la réécriture de sa vie dans les HC – dont nous rappelons le caractère institutionnel et international – inscrit officiellement Onaharé dans la mémoire, au même titre que ces missionnaires qu’on voulait canoniser. Ce constat ouvre des pistes d’analyse concernant le statut de l’Autre dans les HC, que nous nous promettons d’explorer.

(ill. 8)

Joseph Onaharé est identifié comme le personnage no 10 de la scène.

Grégoire Huret, « Preciosa mors quorundam patrum é Societ. Iesu in Nova Francia », gravure, 36,2 x 44,5 cm, dans François Du Creux, Historiae canadensis seu Novae-Franciae libri decem, ad annum usque Christi MDCLVI, Paris, Sébastien Cramoisy et Sébastien Mabre-Cramoisy, 1664, entre les pages 542 et 543 (détail). BAnQ, collections patrimoniales (RES/AD/157).

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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