Notes bibliographiques

ACCÈS À LA TERRE ET ENJEUX SOCIAUX : PRÉCARITÉ, TERRITORIALITÉ, IDENTITÉACCESS TO LAND AND SOCIAL ISSUES: PRECARITY, TERRITORIALITY, IDENTITY[Record]

  • Sébastien Brault

L’enjeu de cet ouvrage collectif réside d’abord dans l’exploration des termes terre et accès. Si d’emblée ces deux mots semblent offrir un champ de recherche restreint, c’est tout le contraire qui est dévoilé dans l’ouvrage alors que les auteurs adhèrent à des définitions qui dépassent largement celles que peuvent privilégier de prime abord les civilistes. À titre d’exemple, pour les civilistes francophones, le terme terre a peu de significations sur le plan juridique. Au contraire, le terme land, en anglais et en common law en particulier, est défini comme « l’ensemble des terrains et des constructions qui s’y trouvent, comprenant le droit de propriété ». C’est en ce sens que le concept de terre doit être compris ici. En effet, alors que certains textes de l’ouvrage se restreignent à une conception étroite de la terre (agricole ou cultivable), d’autres dépassent ce cadre et analysent plutôt l’accès aux logements situés dans des immeubles construits ou encore aux espaces publics des villes. Le concept d’accès, quant à lui, constitue l’élément central de cet ouvrage collectif. À ce propos, dans leur texte intitulé « Eviction: Precarious Property, Access and Territory », Nicholas Blomley, professeur au Département de géographie de l’Université Simon Fraser, et Natalia Pérez, chercheure et étudiante au doctorat au Département de géographie de l’Université Simon Fraser, offre une définition théorique de la notion d’accès qui peut, nous semble-t-il, s’appliquer à tout l’ouvrage. Les deux auteurs soulèvent avec intérêt que cette notion représente « the ability to derive benefits from things ». Plus particulièrement, réfléchir sur le terme accès nécessite de mobiliser son opposé qu’est l’exclusion pour les analyser comme relations de pouvoir entre acteurs sociaux. La richesse d’une définition de l’accès comme étant « l’habilité à tirer des bénéfices des choses » permet de dépasser le cadre d’analyse accès/exclusion et d’appréhender la totalité des interactions entre précarité, territorialité et identité illustrées dans les textes réunis. Sans nous pencher sur l’ouvrage dans son entièreté, nous tenons à indiquer que les notions de précarité, de territorialité et d’identité ne sont pas hétérogènes et présentent des situations d’immixtion qui ne font qu’alimenter le portrait global des problématiques liées à l’accès à la terre. De cette globalité, si nous estimons possible, à première vue, de soulever des situations paradoxales, les différents objets de recherche des auteurs paraissent se concentrer sur certaines réflexions communes. Dans son texte ayant pour titre « Colonialism and Access to a Disenchanted Earth », Kirsten Anker, professeur agrégé à la Faculté de droit de l’Université McGill, souligne les rapports privilégiés qu’entretient la communauté autochtone avec la terre : l’accès à la terre et aux ressources n’est pas source d’exclusion, mais un ensemble de relations. Le système colonial qui a importé au Canada un système juridique ayant pour fondement la propriété privée a eu comme effet d’exclure les communautés autochtones d’un accès à la terre qu’elles se partageaient auparavant. Parallèlement, Emerich souligne que, dans le contexte d’accès aux terres au Cambodge, le développement du système juridique occidental, plus particulièrement l’amélioration du système de publicité des droits, permettra un meilleur accès au crédit et incidemment un meilleur accès aux terres, notamment pour les groupes qui occupent la terre en fonction du droit coutumier lié aux pratiques khmères. Ainsi, s’il est possible de constater que certaines caractéristiques des systèmes juridiques issus des pays occidentaux et insérés dans la législature des pays émergents suivent une approche inclusive en vue de protéger l’accès aux terres et les pratiques des peuples originaires, la situation se révèle différente au Canada où l’effet de la domination du colonialisme doit aujourd’hui être …

Appendices