Article body

Ce nouveau numéro de la revue Recherches qualitatives vise à célébrer les 35 ans d’existence de la revue, fondée en 1989 par l’Association pour la recherche qualitative, son éditeur.

Revue internationale francophone à caractère multidisciplinaire, les textes qu’elle publie proviennent notamment des disciplines généralement associées aux sciences humaines, sociales, et de la santé sans s’y restreindre, car la recherche qualitative est aujourd’hui un type de recherche utile dans tous les domaines de la connaissance. Ces textes sont soumis à un processus rigoureux d’évaluation par les pairs (en double aveugle) qui fait en sorte que le taux moyen d’acceptation des articles tourne autour de 50 %.

Sans réécrire ce que nous avons déjà écrit ailleurs, rappelons les principes directeurs forts de la revue. Tout d’abord, la revue s’offre comme un espace de discussion méthodologique et un lieu de diffusion des avancées méthodologiques qui transcendent les disciplines. Ensuite, la revue se veut une référence pour les chercheurs, tant dans leurs travaux que dans leurs enseignements ainsi que dans la formation de la relève scientifique.

Le 35e anniversaire de la revue procure également une occasion de rappeler qu’elle a été pionnière en ce qui a trait à l’accès libre, gratuit et intégral à ses collections. Cette décision pouvait paraitre osée au tournant des années 2000, mais la volonté politique et scientifique actuelle autour d’une transition vers le libre accès lui donne raison. Au cours des dernières années, les subventions obtenues ont permis une diffusion optimale des articles : traitement complet PDF et HTML avec Érudit, indexation dans les bases de données notamment par le maintien d’une traduction en anglais des résumés et des mots-clés. Aussi, tous les numéros publiés de la collection Hors-série/Les actes sont désormais accessibles sur Érudit afin de faciliter leur consultation et de rehausser leur diffusion.

Une facture particulière pour ce numéro anniversaire

Contrairement à son habitude, ce numéro ne présente pas, à proprement parler, que des textes évalués en double aveugle. Les textes anniversaires prennent la forme de notes de chercheurs et chercheuses qui présentent un regard renouvelé sur quatre articles qui, au fil du temps, ont trouvé un écho tout particulier auprès des chercheurs qualitatifs. En effet, les articles en question figurent encore parmi les plus téléchargés, alors qu’ils ont été publiés dans la période qui va de 2006 à 2009. C’est pourquoi nous avons invité leurs auteurs à réagir à leur propre texte afin d’en actualiser le propos ou de le faire dialoguer avec les enjeux méthodologiques actuels. L’exercice est fort intéressant pour tenter de resituer leurs propos dans un contexte social, méthodologique et épistémologique qui a passablement évolué.

Ainsi, ce numéro revient sur les textes suivants, tous signés par des figures marquantes de la réflexion méthodologique en recherche qualitative des 35 dernières années. D’abord celui de Marta Anadón intitulé « La recherche dite “qualitative” : de la dynamique de son évolution aux acquis indéniables et aux questionnements présents » paru en 2006. Ensuite, le texte de Lorraine Savoie-Zajc intitulé « Comment construire un échantillonnage scientifiquement valide? » publié en 2007. Aussi, le texte de Colette Baribeau sur l’« Analyse des données des entretiens de groupe » paru en 2009. Finalement, le texte de Pierre Paillé intitulé « La méthodologie de recherche dans un contexte de recherche professionnalisante : douze devis méthodologiques exemplaires » paru en 2007.

Des articles de la collection régulière

L’article de Myriam Girouard-Gagné, Micheline Joanne Durand, Geneviève Carpentier et Jonathan Martel aborde ce qu’ils appellent l’interposture afin de réfléchir à sa contribution à la richesse des données et des analyses dans le cadre d’une recherche qualitative. L’interposture fait référence au fait que la chercheuse principale mobilisait d’emblée cinq postures indissociables d’elle-même et du contexte de recherche : chercheuse principale, experte en évaluation, chargée de cours, conseillère pédagogique et technopédagogue. Ainsi, le passage d’une posture à l’autre permet non seulement un accès plus approfondi au terrain de recherche, mais aussi des retombées concrètes et situées constituant du même coup un apport méthodologique original.

Ensuite, le texte de Camille Gauthier-Boudreault, Mélanie Couture et Frances Gallagher traite du réel potentiel de la recherche-action participative pour améliorer les conditions de vie des personnes ayant une déficience intellectuelle profonde (DIP) et leur famille, car de nombreux enjeux entravent la réalisation d’une telle démarche collaborative. La recherche-action participative a été menée dans l’optique d’explorer des solutions pour faciliter la planification de la transition vers la vie adulte des personnes ayant une DIP. Il en résulte une description du positionnement de l’étude selon l’échelle de responsabilité sociale et une discussion sur les conditions gagnantes et les obstacles à la réalisation d’une telle démarche de recherche.

Finalement, l’article d’Élise Milot, Laurence Ouellet, Romane Couvrette, Karine Gendron, Monique Maltais, Martin Caouette et Émilie Raymond aborde lui aussi la recherche-action. Toutefois, ce texte se centre sur les enjeux éthiques et méthodologiques qui peuvent survenir en prenant pour toile de fond la mise en place d’une nouvelle pratique visant à soutenir la participation d’adultes vieillissants ayant une déficience intellectuelle à des activités de loisirs et de bénévolat dans la communauté. Il porte aussi sur les enseignements tirés de cette expérience et propose des recommandations pour les équipes engagées dans une recherche-action.

Nous sommes d’avis que la (re)lecture de ces textes revêt une pertinence certaine dans le contexte social et scientifique actuel qui confronte les chercheurs à des problématiques jamais vues, elles-mêmes liées à des transformations sociales, technologiques et culturelles importantes. L’ajout de cette réflexion de leurs auteurs propose des interprétations nouvelles des phénomènes méthodologiques contemporains qui pourront à leur tour susciter un intérêt renouvelé pour la recherche qualitative et pour la formation de la relève scientifique. Aussi, les textes hors thème contenus dans ce numéro montrent la pertinence de maintenir une revue qui expose des réflexions méthodologiques contemporaines.