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Ce livre publie les actes d’un colloque européen de recherche de l’Alliance coopérative internationale (ACI) qui s’est tenu à Lyon en septembre 2010 et qui a été organisé en partenariat avec l’université Lyon 2 et la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) Rhône-Alpes. Cette rencontre était consacrée aux contributions des coopératives à une économie plurielle, et cela pas moins qu’à l’échelle de la planète. Une trentaine d’articles se déclinent en quatre grandes parties. La réflexion est tout d’abord menée au sujet du caractère attractif des différentes coopératives : leurs dynamiques sont inévitablement contrastées, selon les pays et les secteurs dans lesquels elles interviennent. Les règles régissant les coopératives en Europe, ainsi que les problèmes soulevés par le statut d’une société coopérative européenne, constituent la deuxième partie de cet ouvrage. Enfin, sont abordées la question des coopératives dans les services bancaires et financiers, puis celle des coopératives agricoles : elles sont tiraillées entre les forces contraires que sont leur caractère spécifique, ou leur identité, et la banalisation.
La richesse de cet ouvrage ne permet pas d’en décrire toutes les contributions de façon détaillée. Présentons au moins les principaux problèmes qu’elles traitent. Les activités de production sont mues par des motifs multiples, mais il s’agit d’abord ici de voir comment les coopératives se situent diversement dans cette pluralité économique. D’abord, elles sortent du dilemme entre le marché lucratif et le secteur public. Ensuite, elles mettent l’accent sur la dimension collective de l’entrepreneuriat. La très grande variété de leurs formes et les innovations organisationnelles continues accentuent encore ce caractère pluriel. Les coopératives sont aussi largement parties prenantes dans les dynamiques de développement local, marquées par l’intervention de nombreux acteurs qui visent eux-mêmes des objectifs pluriels ne se réduisant pas au profit.
Il ne faut pas oublier, cependant, les difficultés et les faiblesses auxquelles sont confrontées ces utopies pratiques. Elles sont en effet menacées par plusieurs dangers. La banalisation, en d’autres termes la perte des valeurs qui fondent l’identité du mouvement coopératif, est le plus grave, et il se pose avec acuité aujourd’hui, parce que la concurrence est de plus en plus sévère. Elle peut s’exercer de plusieurs façons : l’alignement des produits des coopératives ouvrières sur ceux de l’entreprise capitaliste ; la logique de croissance du chiffre d’affaires, dans laquelle la notion de rentabilité est privilégiée au détriment des investissements spécifiques à l’économie sociale ; l’affaiblissement du rôle des salariés et des élus, allant de pair avec un pouvoir croissant des dirigeants salariés ; le recrutement, qui, effectué sur la base de la seule compétence, néglige les valeurs de l’économie sociale ; et, enfin, l’élargissement de la hiérarchie de salaires.
L’histoire de la Rec-Recma, qui a fêté l’an dernier son quatre-vingt-dixième anniversaire, est inséparable de celle de l’Alliance coopérative internationale, fondée en 1895. La coopération a une longue histoire, qu’elle connaît d’ailleurs insuffisamment. Par ailleurs, on le sait, 2012 est l’Année internationale des coopératives. Il est donc important de faire un état des lieux du mouvement coopératif sur toute la planète, et pas seulement dans quelques pays, pour l’essentiel francophones et latins. L’économie sociale – et/ ou solidaire ? – est actuellement en plein essor, mais elle est aussi à la recherche de son identité en France, en Europe et dans le monde entier. La crise économique, sans précédent depuis 1929, que connaît l’Europe rend encore plus urgente la réponse à ces questions. D’où l’intérêt de ce livre.