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Economie sociale et solidaire, socioéconomie du 3e secteur, Jacques Defourny et Marthe Nyssens (Dir.), coll. Ouvertures économiques, De Boeck éditeur, 2017, 443 pages[Record]

  • Henry Noguès

Cet ouvrage se présente comme un véritable traité donnant accès, pour un large public, aux connaissances scientifiques disponibles au début du xxie siècle sur l’économie sociale et solidaire (ESS). Le projet est ambitieux et les deux universitaires directeurs de l’ouvrage, Marthe Nyssens et Jacques Defourny (des universités de Louvain et de Liège, par ailleurs fondateurs d’EMES, réseau européen de recherche sur l’économie sociale et l’entrepreneuriat social) l’ont réussi. Pour y parvenir, ils ont rassemblé autour d’eux dix chercheurs de langue française pour leur demander une contribution particulière – sur leurs thèmes de recherches de prédilection –, correspondant à un chapitre écrit par un, deux ou trois d’entre eux. Ainsi, onze chapitres, regroupés dans deux parties (la première consacrée aux fondements de l’ESS et la seconde à ses enjeux), couvrent très largement le champ de l’ESS et les principales problématiques contemporaines. Malgré la pluralité des auteurs, de leurs champs disciplinaires (économie, sociologie, etc.), de leurs orientations épistémologiques et de leurs contextes nationaux, cet ouvrage conserve une cohérence d’ensemble, tant de forme que de fond, qui facilite grandement la lecture. Le souci d’une approche didactique et la volonté d’une présentation de théories alternatives sur l’ESS sont essentiels à un traité. Tous les auteurs ont su répondre à ces exigences. La priorité donnée à la clarification et à l’explication, nécessaire pour comprendre, implique un effort conceptuel et une réflexion théorique auxquels tous les chapitres donnent une place prépondérante en fournissant des références bibliographiques utiles et souvent récentes. En revanche, compte tenu de cette priorité, les faits empiriques (monographies, données statistiques) sont rares dans l’ouvrage. Les auteurs en sont conscients et ils ont veillé à ce que le lecteur soit accompagné dans sa lecture par une cinquantaine d’encadrés qui viennent apporter soit des outils conceptuels complémentaires, soit des illustrations sectorielles éclairantes. De même, la seconde partie commence délibérément par un chapitre consacré à l’appréhension statistique de l’ESS (chapitre VII). Edith Archambault, dont l’engagement sur ces questions est bien connu (ADDES, programme Johns Hopkins, rapport du CNIS, etc.), dresse un état des lieux au plan international et s’interroge sur la qualité des données en soulignant les progrès accomplis depuis trente ans, comme les chantiers à poursuivre pour améliorer les connaissances, notamment sur le bénévolat. L’exhaustivité est aussi un élément souhaitable pour la rédaction d’un traité. Sur ce point, la réussite serait totale si le champ des mutuelles avait pu trouver dans l’ouvrage une vraie place. Nul doute que les éditions ultérieures s’attacheront à combler cette lacune d’autant plus regrettable que les mutuelles de santé ou d’assurance partagent avec les associations ou les coopératives de nombreux enjeux et que, malgré leur ancienneté et leur institutionnalisation, elles manifestent avec l’économie solidaire décrite par Laurent Gardin et Jean-Louis Laville (chapitre V), ou avec les entreprises sociales présentées par Jacques Defourny (chapitre VI), des parentés qui éveillent logiquement l’intérêt du lecteur pour des approfondissements et des comparaisons. Intégrer dans la première partie un chapitre, le quatrième, consacré à la question du bénévolat ouvre des perspectives intéressantes. Lionel Prouteau y présente l’état des connaissances scientifiques en psychologie, en sociologie et surtout en économie, permettant de prendre la mesure de la complexité et de la variété de cette pratique sociale. Concept décalé en regard des autres, plus analytiques (les coopératives, les associations, les entreprises sociales), le bénévolat concerne à des degrés variables les organisations de l’ESS mais constitue un élément important partagé au moins par celles qui visent un intérêt mutuel ou rejoignent un intérêt général. Ce chapitre traite aussi d’autres problématiques rencontrées ailleurs dans l’ouvrage comme le désintéressement, la réciprocité, l’engagement, la participation à la constitution d’espaces publics, l’économie …