Le Dossier

Ménopause et mitan de vie : deux phénomènes, une symbolique[Record]

  • Christiane Bernier

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  • Christiane Bernier
    Département de sociologie, Université Laurentienne

Deux raisons principales incitent, au départ, à se pencher sur l’étude des représentations de la ménopause: l’accroissement du nombre de femmes à l’âge de la ménopause, à cause du vieillissement des babyboomers, et la révolution hormonale que cette génération fait actuellement vivre à l’humanité. D’une part, selon Statistique Canada, 30,5% des Canadiennes avaient cinquante ans et plus en 2001 et celles qui étaient en période de ménopause constituaient plus de 14% de l’ensemble. Ce qui veut dire que, à cause de l’allongement de la durée de la vie, la plupart passeront plus du tiers de leur vie en post-ménopause. Ce fait est significatif: dans la vision traditionnelle occidentale, on a longtemps cru qu’en sonnant le glas de la maternité, la ménopause sonnait aussi celui de la féminité et de la sexualité active. Perspective peu réjouissante. Ajoutons qu’il s’agit là de la première génération de femmes, depuis la modernité, à être massivement sur le marché du travail : 72,2% des femmes canadiennes de 45 à 54 ans étaient à l’emploien 2001. D’autre part, les femmes en transition de ménopause, aujourd’hui, constituent la première génération à avoir pris, massivement, des contraceptifs, souvent à très fortes doses pendant plusieurs années. La première génération à avoir subi, massivement, diverses interventions chirurgicales: ovariectomie; hystérectomie; ligature des trompes avant 50 ans. Et la première génération à avoir eu un accès aisé à l’hormonothérapie. Les conséquences générales que l’on peut tirer de cette situation font réfléchir et obligent à certains constats. La plupart des femmes vivant la transition de la ménopause sont en milieu de travail. Plusieurs femmes ont vécu, vivent ou vivront une ménopause précoce dû aux chirurgies gynécologiques dont elles ont été l’objet et qui produisent le risque de devancer la ménopause de quatre à cinq ans. Et nous sommes face à l’inconnu quant à la suite de la santé gynécologique des femmes: en effet, les conséquences des thérapies hormonales massives sur le vieillissement et les maladies gynécologiques ne commencent qu’à être connues. En fait, on peut penser qu’elles ne le seront réellement que lorsque la génération actuelle de femmes en transition de ménopause atteindra 75 ans. Traduction et adaptation de l’expression « middle age crisis », l’expression « mitan de vie » ou « crise du milieu de vie » (CMV) désigne la période qui s’échelonne de 40 à 60 ans (variant selon les chercheurs et les chercheures), moment où se manifestent les signes de vieillissement physique, associés à des changements psychologiques et à une transformation de la perception du rapport à soi et aux autres en fonction du temps (Millet-Bartoli, 2002). Bien que ce ne soit que récemment que la sociologie ait commencé à s’intéresser aux phénomènes liés au mitan de vie, il y a déjà longtemps que les recherches en psychologie sociale ont permis de constater que le milieu de la quarantaine ou le début de la cinquantaine est, pour la plupart des individus, le lieu d’un questionnement de fond sur leur vie. Quelle que soit leur situation, il semble que, pendant cette période, les personnes vivent un certain recentrement sur soi, établissent une sorte de bilan de vie et portent un regard critique sur leurs choix antérieurs, leurs acquis, leurs réalisations (Erikson, 1966, 1980; Neugarten, 1979; Levinson et al, 1978; Wolfe et al., 1990, Millet-Bartoli, 2002). Moment de passage transitionnel donc, tant dans l’ordre générationnel que dans celui du monde du travail ou dans celui des relations avec les proches et les amis de longue date. Mais cette période, appelée souvent à tort crise plutôt que transition, serait vécue différemment en fonction de diverses variables: le sexe, …

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