Le dossier

La transformation des institutions et des communautés francophones face à l’immigration et à la mondialisation : une étude de cas[Record]

  • Amal Madibbo and
  • Normand Labrie

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  • Amal Madibbo
    Centre de recherches en éducation franco-ontarienne, Université de Toronto

  • Normand Labrie
    Centre de recherches en éducation franco-ontarienne, Université de Toronto

Dans le contexte actuel de la mondialisation, plusieurs phénomènes de changement social sont à l’oeuvre. D’une part, la mobilité géographique et socio-économique des individus liée aux phénomènes de l’immigration et de l’urbanisation produit d’importants changements démographiques. D’autre part, l’idéologie de l’État providence fait place à une approche néo-libérale du rôle de l’État. Ces divers phénomènes de changement ont forcé les organismes sociaux et communautaires servant de liens entre des individus et des institutions, à revoir leurs mandats et leurs pratiques. Dans le monde francophone au Canada anglais, de telles institutions se sont transformées avec le temps. On est passé d’organismes jouant un rôle de représentation symbolique et de services destinés à une communauté homogène d’origine canadienne-française et européenne vers des agences qui offrent des services à une clientèle de diverses origines géographiques et sociales et ayant diverses pratiques langagières et identitaires (Berger 1997; Madibbo et Maury 2002). Un organisme communautaire peut cumuler une fonction symbolique de ralliement et d’identification, une fonction communautaire de regroupement de par ses activités, et une fonction de pourvoyeur de services répondant aux besoins des usagers, membres des communautés. L’organisme communautaire idéal en milieu francophone minoritaire cumulerait les trois fonctions. Comme nous le verrons dans cet article, des tensions émergent entre ces différentes fonctions et des contradictions apparaissent dans leur mise en oeuvre. Sur le plan démographique, ces tensions relèvent de la transformation des populations francophones liée à l’immigration et à la mobilité socio-économique propre à l’urbanisation. C’est-à-dire que la population francophone s’est transformée d’une collectivité surtout d’origine canadienne-française et européenne de classe moyenne en une population très diversifiée sur le plan des origines géographiques et sociales. La francophonie torontoise, par exemple, compte aussi bien des gens originaires du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie, des Caraïbes, que d’Europe de l’Est. Il y a des gens appartenant aux diverses classes sociales et engagés dans des processus de changement de statut socio-économique, soit ascendant, soit descendant. Sur le plan du soutien des organismes par l’État, ces tensions relèvent également d’une politique de financement dispersée, aux objectifs ciblés et limités dans le temps. Ainsi, conformément à une approche néo-libérale, l’État procède à une dévolution de ses responsabilités vers des organismes communautaires, en imposant à ces derniers un cadre de contrôle d’imputabilité et de redevabilité. L’objectif de cet article est d’expliquer comment l’un de ces organismes francophones en milieu minoritaire s’est adapté au changement social et à la mondialisation en se transformant d’un centre culturel avec mission de servir de point de ralliement d’une communauté conçue comme homogène, en un centre d’accueil offrant des services à une clientèle linguistiquement hétérogène et provenant de divers pays du monde francophone. Afin de mieux répondre à ce mandat, l’organisme a dû réviser sa raison d’être, axée sur la langue commune d’une population d’origine canadienne-française et européenne, pour tenir compte de pratiques langagières individuelles et institutionnelles plus diversifiées. En outre, la raison d’être de l’organisme a dû être révisée afin que l’organisme demeure un pôle d’identification communautaire. Ce que nous chercherons à comprendre plus précisément au moyen d’une analyse du discours, c’est comment ces changements se sont concrétisés dans cet organisme d’accueil francophone situé dans un milieu à la fois multiculturel et anglo-dominant comme Toronto, et comment l’organisme s’est adapté à ces changements. Nous nous pencherons sur le cas du Franco-club en analysant les changements opérés dans la définition de son mandat et dans son fonctionnement, en lien, notamment, avec les services offerts dans les domaines du logement et de la recherche d’emploi. Nous nous attarderons également sur l’adaptation de cet organisme aux pratiques langagières et identitaires de ses usagers eu égard aux langues française, anglaise …

Appendices