Le dossier

Les pourquoi d’une retraite à l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac[Record]

  • Pierre Ouellette and
  • Dom Raymond Carette

…more information

  • Pierre Ouellette
    Professeur, École de kinésiologie et de récréologie, Université de Moncton

  • Dom Raymond Carette, OSB
    Abbaye Saint-Benoît, Saint-Benoît-du-Lac (Québec)

Cette recherche vise à déterminer les motifs d’une retraite à l’Abbaye Saint-Benoît, le plus important monastère bénédictin au Canada. Les motivations ont été développées en nous inspirant largement de la théorie de la restauration de l’attention, élaborée par Steve Kaplan et Rachel Kaplan. Notre échantillon comprenait 521 hôtes, tous des hommes. Parmi les motivations les plus populaires, les hôtes soulignent l’atmosphère de recueillement, le silence, l’apport à la spiritualité et la chance de méditer. Nous avons effectué une analyse factorielle en composantes principales, suivie d’une rotation varimax. Il en résulte quatre facteurs : 1. spiritualité; 2. beauté; 3. réflexion; 4. réceptivité. Accompagnés de nombreux commentaires des hôtes, les résultats statistiques indiquent que le monastère constitue un environnement revivifiant ou fortifiant, ce qui n’est pas sans implications pour l’intervention sociale.

Notre étude a pour objectif d’identifier les motivations conduisant à une retraite personnelle dans un monastère. Aujourd’hui, la diversité des formes de retraite spirituelle évolue rapidement, de sorte que plusieurs types de ressourcement sont possibles. Il y a des retraites portant sur le yoga, sur la méditation, sur le silence, sur la croissance personnelle, sur les philosophies, sur les religions orientales, etc. Plusieurs guides ont été publiés précisant les modalités; on y consacre même des sites Web tels que Retreats International et Canadian Retreat Guide. Partout aux États-Unis et au Canada, les monastères sont grandement fréquentés par des gens intéressés dans une retraite. Les chambres disponibles sont parfois réservées une année à l’avance (Edwards, 1998). Comme le souligne Hillery (1992), un monastère attire un grand nombre de visiteurs, parmi lesquels des dignitaires, des relations d’affaires, des touristes ou des fidèles de la messe quotidienne. Malgré cette popularité, peu d’écrits ont été publiés sur le sujet. Dans le cadre de cette recherche, neuf banques de données ont été consultées, avec de maigres résultats : Dans un reportage publié dans le populaire magazine canadien Maclean’s, un moine de l’Abbaye Saint-Benoît (ASBL), souvent à l’écoute des hôtes, explique le retour à la pratique des retraites par une authentique soif spirituelle ou un état de crise personnelle (Driedger 2001). En effet, plusieurs sont à la recherche de réconfort spirituel à la suite d’un divorce, d’une perte d’emploi, d’un cancer ou d’une dépression; par ailleurs, d’autres viennent spécifiquement pour recevoir le sacrement du pardon. Riche de sa longue expérience d’hôtelier à l’ASBL, Dom Jean-Marie Cyr (2003) répond à la question du pourquoi des hôtelleries monastiques en disant qu’on y recherche d’abord le silence et, bien souvent, une présence divine. Que les individus se sentent plus calmes et moins stressés à la fin d’un séjour dans un monastère est sûrement dans l’ordre des choses. Plusieurs ont certainement pris l’occasion de réfléchir aux épreuves difficiles de leur vie, même s’il est souvent déstabilisant d’être confronté à des questions d’ordre existentiel. Ainsi, ils ont probablement développé une meilleure perspective de leur vie, de leur travail ou de leur famille. La présente étude a pour objectif de déterminer les motivations à faire une retraite. D’une part, l’originalité de cette étude réside dans le fait qu’elle abordera le phénomène peu étudié des retraites non dirigées dans les monastères bénédictins. D’autre part, au-delà de la recherche purement quantitative, notre étude tend à se distinguer en intégrant les commentaires des hôtes, dans la mesure du possible. Fondée en 1912, l’ASBL est située à Saint-Benoît-du-Lac, près du petit village d’Austin, à environ 40 kilomètres de la ville de Sherbrooke. Construit en granite gris sur le bord du magnifique lac Memphrémagog, ce monastère comprend une église pouvant accueillir quatre cent cinquante fidèles ainsi qu’une hôtellerie de trente-cinq chambres. Il attire non seulement des hôtes désirant y faire une retraite, mais également de nombreux touristes. L’horaire monastique comporte sept offices quotidiens. En latin, les laudes et les vêpres sont toujours psalmodiées et la messe est chantée en grégorien. Chaque année, l’hôtellerie accueille en moyenne deux mille cinq cents hôtes, dans des chambres simples, mais confortables, munies d’un lit, d’une commode, d’une chaise, d’un pupitre et d’un lavabo. Le prix d’un séjour au monastère fait rarement obstacle; on suggère 40 $ par jour pour le coucher et les trois repas. En fait, les gens contribuent toujours selon leurs moyens. Les repas sont toujours pris en silence, soit avec les moines, soit dans une cafétéria spécialement aménagée pour les hôtes. Selon la tradition bénédictine, les ateliers de réflexion, ou encore les conférences spirituelles, sont rarement organisés. …

Appendices