Des pratique à notre image

Sortir la spiritualité du placard[Record]

  • Diane Dupont

Je me réjouis du fait qu’un numéro de Reflets soit consacré à la spiritualité en travail social. Il y a à peine une quinzaine d’années, aucune faculté de sciences sociales n’aurait osé aborder ce thème. Longtemps, les professionnels de l’intervention sociale ont évité la question. Pourtant, en Amérique du Nord, les origines du travail social sont empreintes d’une spiritualité ayant inspiré de nombreuses communautés religieuses à mettre en place des structures visant à répondre aux besoins sociaux de l’époque. Deux facteurs ont contribué à évacuer la spiritualité des oeuvres caritatives à leur origine. Le premier est la séparation progressive de l’Église et de l’État et le deuxième, la « laïcisation » des oeuvres caritatives, allant de pair avec la professionnalisation du travail social. Celui-ci devait alors se bâtir des assises professionnelles et démontrer sa nature scientifique, au même titre que la médecine et la psychologie. La révolution scientifique avait misé sur le démontrable, l’analyse, l’objectivité. Conséquemment, on se détacha de toute forme de spiritualité, laquelle était perçue comme non scientifique et trop subjective, parce que fondée sur l’expérience et l’intuition. De plus, dans les professions d’aide, les manifestations spirituelles et religieuses ont souvent été abordées sous l’angle de pathologies de personnes considérées comme « anormales », mettant ainsi de côté leur contribution en tant que forces et ressources profitant à la personne aidée. Enfin, plus que toute autre discipline, le travail social est exposé à l’impact qu’ont le pouvoir et l’oppression sur la vie des individus. De ce fait, elle évite tout cadre de référence qui pourrait être perçu comme un schème imposé par l’intervenante ou l’intervenant social à la personne en état de vulnérabilité parce qu’en situation de crise. Avec l’essor de la pensée postmoderne, le questionnement sur la place de la spiritualité dans les sciences sociales a refait surface comme facette qu’il importe de considérer dans la relation d’aide. Au Canada français, nous n’en sommes qu’à nos premiers balbutiements dans cette réflexion sur le rôle et l’apport de la spiritualité dans la relation d’aide. Personnellement, je considère comme très enrichissants et positifs ce questionnement et ce débat sur le rôle de la spiritualité dans le cadre du travail social. La remise en question des approches en travail social que cette conjoncture provoque nous invite à envisager d’autres perspectives pour nous laisser interpeller, ouvrir notre espace de réflexion à des idées nouvelles, parfois même déroutantes. Cela nous amène également à réfléchir sur notre propre spiritualité dans la vie quotidienne, tant dans notre espace d’intimité que dans notre vie professionnelle. Dans les pages suivantes, je me permets de sortir des sentiers battus de l’objectivité des sciences sociales pour explorer quelques pistes sur la spiritualité, son impact sur les intervenants et les intervenantes en travail social et son utilisation dans la relation d’aide. Mes propos sont teintés de mon expérience en tant que Canadienne française d’origine, ayant grandi dans la religion catholique, cheminé spirituellement dans la foi chrétienne, oeuvré pendant plusieurs années dans le contexte de travail et d’intervention féministes, travaillé dans des contextes multiculturels et côtoyé des personnes qui ont adhéré à diverses croyances, religions, pratiques spirituelles et rituelles autres que les miennes. Toutes ces rencontres et ces circonstances ont nourri et continuent d’alimenter ma réflexion et de m’interpeller quotidiennement. En fait, chaque rencontre avec une personne, que ce soit dans la vie personnelle ou dans la relation d’aide dans un contexte de travail, est un avènement qui vient enrichir mon cheminement spirituel-humain parce qu’elle m’ouvre la possibilité de découvrir et d’explorer une nouvelle facette de la vie. Chaque jour, l’être humain reprend sa quête à « savoir si la …

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