Collaboration spéciale

Loi, homophobie et violence : légiférer pour punir les crimes motivés par la haine[Record]

  • Douglas Victor Janoff

L’homophobie sous-tend de multiples pratiques juridiques qui minimisent l’importance de la violence envers les lesbiennes, gais, bisexuels et transsexuels (LGBT) ou l’excusent, voire qui nient son existence. Parfois, dans les cas d’erreurs de procédure ou d’administration, l’homophobie semble « involontaire ». Toutefois, ces erreurs ont provoqué la mort d’homosexuels et les meurtriers s’en sont tirés « sans peine » ou ont réussi à faire réduire les accusations portées contre eux. Le « crime motivé par la haine » est un concept social relativement récent. Il s’agit d’une nouvelle façon de définir un problème persistant. Selon Jenness, la loi qui régit ce type de crime est fondée sur l’attribution du statut de victime à des groupes donnés, et non à d’autres. De récentes recherches traitent des acteurs sociaux qui « défendent » les victimes homosexuelles et de la façon dont leur discours peut contribuer à cerner les enjeux et à élaborer des positions de principe. En dépit de la mise en place de lois qui sanctionnent les crimes motivés par la haine aux États-Unis et de la prolifération des travaux de recherche portant sur le sujet, le débat, au Canada, demeure essentiellement axé sur les dispositions qui gouvernent la détermination de la peine et sur la propagande entourant cette catégorie de crimes. Jusqu’ici, l’utilité des dispositions en vigueur n’a guère été démontrée. De fait, je présente dans ce livre des centaines d’exemples de meurtres et de voies de fait qui se sont produits au Canada après 1995, année où sont entrées en vigueur les dispositions sur la détermination de la peine applicable aux crimes motivés par la haine. Je n’ai trouvé pratiquement aucun rapport indiquant que le juge avait alourdi la peine au motif qu’il s’agissait d’un crime motivé par l’homophobie. Mes recherches semblent donc corroborer la controverse provoquée par Shaffer qui affirmait, en 1995, que les dispositions adoptées n’avaient aucune utilité et qu’il fallait plutôt mettre en place une loi distincte sur les crimes motivés par la haine. À elles seules, les théories sociologiques et psychologiques ne permettent pas de faire toute la lumière sur la violence homophobe. Pour avoir une idée juste du sujet, il faut examiner de quelle manière l’homophobie influence l’application de la loi. Que certaines personnes éprouvent de la haine envers les homosexuels et les agressent est assez triste en soi, mais ce qui est encore plus troublant, c’est que les pratiques juridiques tendent à excuser ce type de violence et à en minimiser l’importance. Le présent chapitre traite de l’omniprésence de l’homophobie dans le système judiciaire, de l’impossibilité de punir équitablement la violence homophobe dans le système actuel, du mouvement en faveur de l’adoption de lois sanctionnant les crimes motivés par la haine et des recours judiciaires qui s’offrent aux LGBT victimes de violence. Si des punks entraient dans un restaurant du quartier chinois de Vancouver et se mettaient à saccager les lieux en criant « Chintoks! » et en tabassant les clients, au point de provoquer une émeute sur la rue Pender, il est à parier que l’histoire ferait la une du Vancouver Sun et que la police convoquerait une conférence de presse pour dénoncer ce crime. Pourtant, en 1994, des voyous firent irruption dans un café gai bondé de la rue Davie et se mirent à brutaliser les clients en hurlant « Pédales », mais l’histoire fut reléguée dans un encadré en page 2 du journal et la police n’y fit même pas allusion à sa conférence de presse hebdomadaire. Est-ce exagéré de dénoncer le peu d’attention porté par les médias à cette histoire? Je ne le crois pas. L’attaque était un affront …

Appendices